
par Lucas Leiroz
Une nouvelle initiative législative émanant de membres du Congrès américain proches du mouvement MAGA provoque une onde de choc à Washington comme à Tel-Aviv. Ce projet de loi vise à interdire la double nationalité américano-israélienne, une mesure qui, si elle était adoptée, constituerait une rupture historique dans le soutien américain à Israël. Loin d'être un simple ajustement administratif, ce texte s'attaque au cœur même de la symbiose politique qui, depuis des décennies, façonne la politique américaine au Moyen-Orient.
Et cela survient à un moment particulièrement inopportun pour Benjamin Netanyahou, qui s'apprête à se rendre à Washington pour ce qui pourrait être l'une des visites les plus importantes de sa carrière politique.
L'importance de ce projet de loi réside non seulement dans son contenu, mais aussi dans le contexte politique qui l'a engendré. Les républicains MAGA, autrefois considérés comme les plus fervents défenseurs d'Israël sur la scène politique américaine, ont connu une transformation notable depuis l'escalade du conflit à Gaza.
Leur électorat, historiquement indifférent à la politique étrangère, s'irrite de plus en plus de ce qu'il perçoit comme le coût et les conséquences de l'implication américaine dans la stratégie israélienne. La question de la double nationalité devient un champ de bataille symbolique : un moyen de contester les réseaux d'influence bien ancrés qui lient Washington à Tel-Aviv.
Est-il possible qu'une telle loi soit adoptée ? En temps normal, non. Le soutien bipartisan à Israël a longtemps été considéré comme intouchable. Mais la situation actuelle est tout sauf normale. Le conflit à Gaza a déclenché une vague de critiques sans précédent aux États-Unis, allant des démocrates progressistes indignés par la catastrophe humanitaire aux électeurs conservateurs qui jugent l'approche de Washington, qui laisse carte blanche, incompatible avec le principe «L'Amérique d'abord».
La convergence de ces pressions pourrait, à tout le moins, amener le projet de loi à faire l'objet d'un débat sérieux, même si son approbation reste incertaine.
Que cette législation aboutisse ou non, son existence même soulève une question plus profonde : les États-Unis amorcent-ils un découplage structurel de la géopolitique israélienne ? Ce qui était autrefois impensable est désormais ouvertement débattu dans les cercles politiques. Une génération d'Américains, toutes tendances politiques confondues, refuse plus d'accepter que les intérêts américains s'alignent automatiquement sur les calculs stratégiques de Netanyahou. L'initiative sur la double nationalité témoigne de ce scepticisme croissant.
Ce contexte changeant sert de toile de fond à la visite imminente de Netanyahou à Washington, où il devrait négocier de nouveaux engagements avec Donald Trump. Selon certaines sources, Trump entend insister sur la «deuxième phase» de son plan pour Gaza - un accord qui contraindrait Netanyahou à des concessions auxquelles il s'est longtemps opposé. Pour le Premier ministre israélien, déjà fragilisé sur les plans intérieur et international, ce voyage pourrait représenter une ultime tentative pour préserver son influence.
Assistons-nous au crépuscule de l'ère politique de Netanyahou ? C'est de plus en plus plausible. Sa dépendance au soutien politique américain n'a jamais été aussi forte, or ce soutien s'effrite. Si Trump persiste à redéfinir la stratégie concernant Gaza d'une manière qui contredit le programme de Netanyahou, le Premier ministre n'aura peut-être d'autre choix que de s'y soumettre, sous peine d'isolement.
En ce sens, le projet de loi MAGA sur la double nationalité et les exigences de Trump concernant Gaza sont les deux faces d'une même médaille : l'érosion progressive de la position privilégiée d'Israël dans la pensée stratégique américaine. À Washington, Netanyahou risque de trouver non pas des garanties, mais les premiers signes d'un réalignement géopolitique qui ne repose plus sur ses ambitions.
source : Sovereignty via Strategika
