
par Jean Pégouret
Les dirigeants chinois se sont réunis les 10 et 11 décembre à Pékin pour définir les orientations économiques du pays en 2026, année d'ouverture du 15e Plan quinquennal décrit dans un article précédent.
La feuille de route issue de la Conférence centrale sur le Travail économique est scrutée très attentivement chaque année par les dirigeants, les entreprises et les investisseurs étrangers.
La Chine confirme sa volonté de privilégier une croissance axée sur son marché intérieur. Mon article sur la CCTE 2025 publié par La Chine au Présent (China Today) expose les points forts, bilan et analyse, objectifs et stratégie pour y parvenir définis par le parti Communiste Chinois.
*
Nouvelle feuille de route pour une croissance qualitative
Face à l'atonie mondiale, la Conférence centrale sur le travail économique érige désormais le marché intérieur et l'innovation en piliers de résilience.
La capitale chinoise a été, les 10 et 11 décembre, le théâtre d'un événement majeur pour l'avenir économique mondial : la Conférence centrale annuelle sur le travail économique (ci-après dénommée Conférence centrale). Rassemblant les dirigeants du Parti communiste chinois (PCC) et les responsables gouvernementaux, cette réunion annuelle de haut niveau ne constitue pas un simple exercice formel, mais s'inscrit dans le processus de planification économique chinoise traduite dans les plans quinquennaux. Elle définit les priorités économiques pour les douze mois à venir après avoir analysé les performances de l'année écoulée ainsi que les défis internes et internationaux.
Traditionnellement considérée par les économistes, les investisseurs et les gouvernements étrangers comme un baromètre et un indicateur clef des priorités stratégiques de la Chine, la Conférence centrale définit les grandes orientations en matière de croissance, de réforme structurelle, de politique monétaire et budgétaire, ainsi que de régulation du marché.
Cette édition revêtait une importance particulière. Se tenant fin 2025, dans la foulée de la 4e session plénière du 20e Comité central du PCC, la Conférence centrale a célébré l'achèvement du 14e Plan quinquennal. En clôturant ce cycle, elle a en effet jeté les premières bases du 15e Plan quinquennal (2026-2030).
Lors de son discours, le secrétaire général du Comité central du PCC, Xi Jinping, a dressé un bilan de la situation économique nationale et internationale, et a établi des directives précises quant à la trajectoire de croissance pour l'année 2026.
La réorientation vers le marché intérieur
La Conférence centrale a mis en priorité le soutien à la demande intérieure chinoise pour faire face à deux défis. D'une part, dans un contexte de mutations géopolitiques mondiales, la Chine ne peut plus s'appuyer uniquement sur la demande extérieure pour porter sa croissance. D'autre part, afin de réaliser pour l'essentiel la modernisation socialiste, le développement économique doit désormais s'aligner plus étroitement sur les aspirations et les attentes de la population.
La Conférence centrale a retenu que l'année 2025 et le 14e Plan quinquennal s'achevaient avec succès. Malgré un environnement international incertain et des «ajustements structurels complexes», la deuxième puissance économique mondiale affiche une solidité certaine, avec une croissance du PIB de 5,2% en glissement annuel sur les trois premiers trimestres de 2025. La Conférence centrale a souligné que «le monde est optimiste quant au potentiel de développement continu de la Chine».
Cependant, si l'offre productive chinoise demeure abondante, elle se heurte désormais à une demande extérieure faible.
Face à ce constat, la Conférence centrale a mis l'accent sur le soutien à la demande intérieure comme principal moteur de croissance et sur la construction d'un marché intérieur robuste.
De cette conférence sont ressortis trois signaux politiques clairs. Tout d'abord, l'accent a été mis sur «l'amélioration de la qualité et de l'efficacité». Cela représente un véritable changement de paradigme de l'offre de production chinoise passant de la recherche de la quantité à un objectif de qualité et de précision.
Ensuite, l'économie reposera sur la consolidation d'un marché intérieur puissant. Pour la placer sur une trajectoire plus saine et durable, les politiques publiques se concentreront sur la hausse des revenus et soulageront la pression que les économistes chinois ont qualifiée «d'involution» (neijuan) - un phénomène de concurrence exacerbée qui pèse sur la société chinoise.
Enfin, la Chine entend instaurer un cercle vertueux de l'investissement : une offre de qualité stimulera la demande qui, à son tour, déclenchera de nouveaux investissements productifs. Dans ce schéma, les institutions financières renforceront leur soutien à la demande intérieure, à l'innovation scientifique et technologique et aux micro, petites et moyennes entreprises.
Concernant la gestion des risques, la Conférence centrale a prôné une intervention proactive sur deux sujets préoccupants. Dans l'immobilier, l'heure est au ralentissement des nouveaux projets au profit de la résorption des stocks existants et de la montée en gamme des logements. Quant à la dette des collectivités locales, elle devra être traitée via des restructurations pilotées par le marché.
Un ancrage de stabilité face aux incertitudes mondiales
Les institutions financières chinoises renforceront leur soutien à la demande intérieure, à l'innovation scientifique et technologique et aux micro, petites et moyennes entreprises. Du côté de la demande, des mesures spécifiques seront prises pour stimuler la consommation en accroissant les revenus des populations urbaines et rurales. Du côté de l'offre, l'accent sera mis sur l'augmentation de la qualité des biens et des services.
La Chine a réaffirmé sa volonté de maintenir la stabilité du taux de change du renminbi à «un niveau raisonnable et équilibré». Il faut comprendre qu'elle ne souhaite ni procéder à des dévaluations de sa monnaie qui donneraient un avantage compétitif à ses exportations, ni laisser se produire une appréciation excessive qui pèserait sur son économie.
Cette position est, pour les entreprises qui envisageraient d'investir en Chine, un signal favorable qui les mettrait à l'abri de risques de change sur leurs prévisions de retour sur investissement.
Il convient de noter que le processus de gouvernance économique de la Chine est rassurant pour les acteurs économiques mondiaux. La planification a fait ses preuves au vu des chiffres de la croissance chinoise et de l'élévation du niveau de vie de la population depuis la politique d'ouverture et de réforme. Les résultats des Conférences centrales annuelles ont démontré que ses signaux étaient assortis d'une véritable crédibilité et pas d'utopies non suivies d'effets.
La dernière Conférence centrale confirme la trajectoire positive de l'économie chinoise à long terme. En comparaison à certaines économies libérales plus vulnérables aux fluctuations internes et externes, le système chinois permet une cohérence et une maîtrise accrues, offrant ainsi un ancrage de stabilité à un monde incertain. Les perspectives tracées pour 2026, l'amorçage du 15e Plan quinquennal et les objectifs à l'horizon 2035 constituent un moteur de stabilité pour la croissance mondiale.
En consolidant sa demande intérieure, la Chine offrira au monde un marché dynamique et un débouché stable. La chaîne complète du tissu industriel chinois et sa capacité d'innovation seront des aides précieuses pour le développement mondial, en particulier pour les nouveaux secteurs comme la transition bas-carbone et l'économie numérique.
La Chine s'affirme comme un pôle de croissance essentiel pour la reprise économique mondiale et le développement innovant. Si elle demeure l'usine du monde, elle s'impose désormais également comme un laboratoire d'idées, tout en se positionnant comme un messager de la paix et de la prospérité mondiales.
Jean PÉGOURET est sinologue et géopolitologue français, président de Saphir Eurasia Promotion.
source : La Chine au Présent