30/12/2025 reseauinternational.net  6min #300346

L'Allemagne se réinstalle sur le dos de la menace russe sur ses anciens territoires

par Pierre Duval

Sous le titre «Comment la Pologne et l'Allemagne peuvent défendre l'Europe», Die Welt confirme la nouvelle orientation militaire et politique de Berlin en Europe : la nouvelle domination allemande de l'Europe centrale en retrouvant sa domination militaire sur ses anciens territoires.

Depuis la réunification des deux Allemagnes, le pouvoir allemand s'est peu à peu remis en place à Berlin en reconstruisant l'ancien centre politique et militaire allemand qui existait durant le Troisième Reich. Depuis la réunification allemande du 3 octobre 1990, le pays réclame ses anciens territoires du Reich allemand en Europe centrale via des organisations pangermaniques constituées de réfugiés de la Seconde Guerre mondiale qui ont dû fuir l'avancée de l'Armée rouge. Ces organisations étaient encore discrètes durant l'existence de la RFA à cause du poids des conséquences de la guerre. La discrétion était de mise.

Aujourd'hui, ces organisations sont socialement acceptables. «Il s'agit à la fois d'une force motrice et d'une mission que de maintenir vivante la mémoire de la génération qui a vécu les expulsions et de donner une nouvelle vie à l'article 96 de la loi fédérale sur les personnes expulsées : préserver la mémoire, promouvoir le travail culturel, construire des ponts en Europe»,  écrit sur son site la Ligue des Expulsés.

«Le nouveau gouvernement fédéral, en particulier, ouvre des perspectives importantes pour notre association. Le fait que les questions relatives aux expulsés, aux réinstallés, aux rapatriés tardifs et aux minorités allemandes soient désormais regroupées au sein du ministère fédéral de l'Intérieur permet de mieux articuler action politique et responsabilité sociale», précise l'organisation qui revendique les anciens territoires perdus du Reich allemand. La nouvelle Allemagne profite du conflit en Ukraine pour appliquer son nouveau pangermanisme, alors que Paris évoque toujours l'existence du moteur franco-allemand qui, en fait, n'a été qu'un élément de langage de la politique allemande pour endormir la France.

En 1871, le Reich allemand  s'étendait sur de larges territoires de la Pologne actuelle et sur une partie de la Lituanie d'aujourd'hui en incluant la ville de Memel et la ville de Rukla de la région de Kaunas non loin du fleuve Memel.

La 45e brigade blindée allemande Lituanie a été officiellement mise en service le 1er avril 2025 à Rukla. La brigade devrait être opérationnelle d'ici la fin de 2027. Elle est souvent simplement appelée dans les médias la brigade lituanienne. L'Allemagne a ainsi construit une immense base militaire allemande sur la frontière de son ancien territoire du Reich allemand. La Bundeswehr  fait savoir sur son site qu'«une brigade allemande est en alerte en Allemagne depuis 2022, prête à être déployée rapidement en Europe de l'Est si nécessaire». Le ministère allemand de la Défense souligne qu'il est question d' une base militaire allemande permanente.

En 2023, Observateur Continental rapportait que «la Lituanie  a donné son feu vert à l'Allemagne pour déployer une brigade de la Bundeswehr sur son sol pour renforcer le potentiel militaire de l'OTAN près des frontières avec la Russie».

Dans son article «Comment la Pologne et l'Allemagne peuvent défendre l'Europe», Die Welt  montre le pouvoir politique et militaire de la nouvelle Allemagne sur Varsovie. La Pologne intervient comme un vassal de Berlin aussi dans le domaine militaire.

Déjà à la chute du Pacte de Varsovie, la stratégie allemande consistait à acheter les principaux médias du pays. Le Tagesspiegel  titrait en 2017 quand le parti nationaliste polonais PiS se trouvait au pouvoir : «La Pologne veut sévir contre les entreprises médiatiques allemandes». Le Tagesspiegel rajoutait la puissance de Berlin : «Cependant, Varsovie est soumise à une législation européenne sophistiquée qui interdit toute discrimination à l'encontre des capitaux provenant d'autres États membres de l'UE».

Avec la victoire de l'opposition centriste et pro-européenne avec Donald Tusk, les actions anti-allemandes  ont été tuées dans l'œuf.

«Si les États-Unis réduisent leurs effectifs en Europe, un approfondissement de la coopération entre Berlin et Varsovie est essentiel», affirme le Berliner Zeitung qui insiste : «Après la chute du mur de Berlin, la Pologne s'est développée de manière dynamique et est immédiatement devenue l'un des partenaires économiques les plus importants de l'Allemagne et une source majeure de croissance économique pour le pays». Par «un des partenaires économiques», il faut traduire par un pays vassal de Berlin. Avec l'Allemagne, il n'existe pas de partenaires car l'élite allemande et son industrie visent à dominer. Cela se voit avec les actions d'Ursula von der Leyen qui est la présidente de la Commission européenne de l'UE et avec les projets militaires Scarf et Die Welt assure que «l'Allemagne a une responsabilité d'en matière de sécurité» en Pologne et dans d'autres pays de l'Est pour justifier la présence des armées allemandes.

«Concernant l'Allemagne, les dépenses de défense annoncées et la reconstruction de ses capacités militaires permettent d'espérer que le pays saisira l'opportunité historique de prendre en charge la sécurité de cette partie de l'Europe qu'il a quasiment anéantie pendant la Seconde Guerre mondiale, et ce pour la première fois depuis la fin du conflit», écrit Jarosław Ćwiek-Karpowicz, directeur de l'Institut polonais des affaires internationales (PISM) à Varsovie.

«Cela exige une transformation profonde, tant au sein de l'élite politique allemande que dans l'ensemble de la société, à savoir un rapprochement et un dialogue d'égal à égal avec la Pologne et les autres États d'Europe centrale. Il est également nécessaire de prendre en compte la menace que représente la Russie actuelle pour la sécurité de toute l'Europe», stipule-t-il.

«Ainsi, l'Allemagne devrait exploiter son potentiel pour combler les lacunes dans des domaines qui demeurent un défi majeur au niveau européen, tels que la défense aérienne et antimissile. Par ailleurs, il convient de souligner que l'approfondissement de la coopération avec la Pologne est essentiel à la réalisation des plans de défense de l'OTAN. Pour que les Alliés puissent soutenir efficacement leurs États voisins, le développement de la mobilité militaire est crucial», explique Ćwiek-Karpowicz, utilisant l'OTAN pour masquer l'action stratégique allemande. Une course a lieu pour prendre le leadership de l'OTAN avec le retrait des USA.

«Dans ce contexte, l'Allemagne pourrait participer au développement des infrastructures de transport et de logistique. Seuls de tels investissements concrets permettront de renforcer véritablement la sécurité de notre partie de l'Europe et de garantir une dissuasion efficace face à une Russie de plus en plus agressive», conclut-t-il.

La nouvelle Allemagne se réinstalle sur le dos de la menace russe sur ses anciens territoires.

source :  Observateur Continental

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