31/12/2025 ssofidelis.substack.com  19min #300421

Pessimiste ? Un regard radical anti « bonnes nouvelles »

Par  Nate Bear, le 30 décembre 2025

L'autre jour, un ami m'a demandé si j'avais envisagé d'écrire un article positif pour Noël.

Il plaisantait, bien sûr. En quelque sorte. J'ai compris où il voulait en venir.

J'ai répondu que non.

Je ne suis PAS thérapeute. Je ne suis pas là pour rassurer qui que ce soit sur l'évolution de la civilisation. Parce que l'orientation actuelle n'est pas du tout la bonne.

Et, dans ces conditions, que peut espérer un homme honnête ?

Si vous lisez ceci, vous avez peut-être déjà été confronté à quelque chose de similaire.

Mais je ne vais pas enjoliver la situation.

Pas parce que je suis masochiste et que vouloir attrister mes congénères me réjouit. Ni pour des raisons purement idéologiques et matérialistes. Pour des raisons, pour ainsi dire, positives.

Histoires de rubans jaunes

À l'université, le prof qui m'a initié aux perspectives anti-impérialistes et m'a fait lire Manufacturing Consent en urgence m'a expliqué qu'il faut toujours se méfier de ce qu'il appelait les "histoires de ruban jaune". Selon lui, ce sont les bonnes nouvelles diffusées en fin de JT grand public, généralement axées sur des engagements communautaires. Ces initiatives, disait-il, sont souvent lancées par ou destinées à aider d'anciens militaires, ou menées en partenariat avec diverses entreprises. Selon lui, ces histoires étaient intentionnellement diffusées en fin de journal télévisé pour tempérer les précédentes nouvelles sur la guerre, les meurtres et l'injustice, et pour conforter les discours impérialistes capitalistes. "Ne vous y fiez pas", disait-il. Je suivais ce cours pendant la deuxième guerre d'Irak, et l'environnement médiatique regorgeait d'occasions de repérer ces histoires "à la gloire du ruban jaune". Et à partir du moment où j'y ai prêté attention, je n'ai plus vu que ça.

J'ai alors pris conscience de la propagande grand public, et mon regard sur la société et ma manière d'écrire ont été durablement influencés. Donc non, vous ne trouverez jamais d'histoire "yellow ribbon" ici, pas même à Noël.

Parce que le système repose sur ces histoires.

Les histoires de "rubans jaunes" entrent dans la catégorie fourre-tout de la positivité à tout va et du progrès. En résumé, c'est du battage médiatique capitaliste impérialiste. Et, en les répétant, on ne fait qu'entretenir le statu quo. Ces récits occultent l'agitation et les appels au changement. Si le monde va mieux, pourquoi protester, pourquoi se plaindre ? Ces récits sont au cœur du thème central de la gestion politico-économique néolibérale : "Calmez-vous, les rebelles, les adultes sont aux commandes".

À l'opposé des marchands de bonheur, on trouve les "doomers", une étiquette péjorative censée discréditer les porteurs de mauvaises nouvelles en les qualifiant de cyniques et de rabat-joie. Les "doomers" sont des personnes inconséquentes qui ne s'investissent pas suffisamment dans les merveilles de notre monde néolibéral.

Je ne sais pas d'où vient cette étiquette, mais je ne serais pas surpris qu'elle ait été lancée par un libéral progressiste. Vous voyez le genre. Bill Gates, Hans Rosling, Steven Pinker... Le genre d'universitaires et de personnalités publiques qui montent sur scène lors de conférences TED pour nous bombarder de graphiques et de camemberts montrant que le monde va mieux. Grâce à leurs best-sellers et tournées de conférences, ces marchands de progrès se sont forgé une réputation et une carrière, grâce à l'élite néolibérale qui les invite à prendre la parole et à écrire pour les institutions du statu quo qu'elle contrôle. Ils comptent de nombreux disciples dans les médias, prêts à relayer leurs contes de progrès perpétuel. Leur meilleur atout consiste à vanter les mérites du capitalisme néolibéral en exploitant l'atout de choix du capitalisme tardif : les données.

Le monde, martèlent-ils, ne cesse de s'améliorer. Vous n'avez rien à faire. Il vous suffit de vous asseoir et de laisser les mécanismes du marché néolibéral opérer le progrès. Inutile de vous salir les mains, vous, citoyens du Nord, vous disposez d'un passe-droit. Vous pouvez certes être attristé à la vue de ces visages bruns et noirs, baignés de larmes de souffrance en temps de guerre ou émaciés par la famine, et c'est en effet bien triste. Mais la meilleure chose à faire pour le Sud, pour ceux qui souffrent de la faim et du génocide, c'est de continuer à consommer, à dépenser et à participer au capitalisme impérialiste.

Achetez, achetez, achetez. Vendez, vendez, vendez.

Car c'est le marché, seule force réelle et durable, qui peut instaurer la justice.

La meilleure chose à faire pour les opprimés est de laisser l'histoire accomplir sa mission bienveillante.

J'entends déjà les récriminations. "Mais Nate, tes sarcasmes ne changent rien à la réalité ! Le monde avance !"

Soit. Comme vous le savez, je suis un homme honnête. Je ne rejette pas d'emblée ce point de vue sans l'examiner.

La spoliation et les nouveaux citadins

Les libéraux progressistes affirment généralement que la pauvreté mondiale a considérablement diminué ces deux derniers siècles. Bill Gates a notamment présenté à l'élite de Davos un document affirmant que la proportion de la population mondiale vivant sous le seuil de pauvreté est  passée de 94 % en 1820 à 10 % aujourd'hui.

Cette affirmation a toutefois été réfutée ces dernières années par des universitaires,  notamment par Jason Hickel. Selon lui, les partisans du progrès se basent sur la quantité moyenne d'argent dont dispose chaque personne sur Terre aujourd'hui, par rapport à 1820. Or, en 1820, de vastes territoires de la planète ne dépendaient pas de l'argent. Selon lui, ce qui est présenté comme une baisse de la pauvreté est en réalité le résultat de l'expropriation des terres et de l'intégration forcée des populations dans le système de travail capitaliste. Un autochtone disposant auparavant d'un abri, de sources de chaleur, d'eau, de semences et de terres pour subvenir à ses besoins ne se considérait pas en situation de pauvreté. Lorsque ces moyens de subsistance leur ont été volés (comme ce fut le cas pour des centaines de millions de personnes par la colonisation à l'étranger et  la spoliation des terres par le processus d'enclosure), les peuples ont été réduits à la pauvreté. Par le capitalisme. Par le système même encensé par les libéraux. Les moyens de subsistance les plus élémentaires ne sont plus gratuits. Le système d'échange et de troc partagé avec les villages ou les tribus voisines a été démantelé. La transformation de la terre, autrefois bien public librement accessible, en un bien de profit privé a en effet privé les gens de leur autonomie. Ils ont désormais dû vendre leur force de travail pour acheter de quoi se nourrir et se loger. Quitter leur abri construit sur des terres autrefois publiques. On les a sciemment appauvris. Certains sont peut-être moins pauvres depuis qu'ils se sont vus contraints de rejoindre le système qui a engendré la pauvreté moderne. Mais les marchands de progrès négligent l'origine de la pauvreté.

Ils ignorent aussi quelque chose de plus fondamental : la valeur de l'argent.  Hickel explique que toutes les affirmations fantaisistes sur la baisse de la pauvreté dans le monde sont basées sur un seuil de pauvreté de 1,90 dollar (1,44 livre sterling) par jour. Si vous gagnez plus, vous n'êtes plus pauvre. Il s'agit bien sûr d'un chiffre outrageusement bas qui amplifie considérablement les allégations sur le miracle néolibéral. En prenant un seuil de pauvreté plus réaliste, mais toujours conservateur, le constat est très différent. Lorsque la pauvreté correspond à un revenu inférieur à 7,40 dollars par jour, le nombre de personnes en situation de pauvreté a en réalité augmenté depuis 1981, date à laquelle un recensement fiable a commencé, pour atteindre aujourd'hui 4,2 milliards de personnes. De nombreux économistes estiment d'ailleurs que le seuil de pauvreté devrait être fixé à un niveau plus élevé, entre 10 et 15 dollars par jour.

Enfin, Hickel affirme que l'essentiel de la baisse de la pauvreté s'est produit en Chine. Mais les promoteurs du progrès accordent rarement ce crédit à la Chine. Parce que la Chine n'est pas le modèle "politiquement correct". La Chine, une économie quasi capitaliste majoritairement administrée par l'État, ne correspond pas au modèle néolibéral de l'économie de marché. Reconnaître les mérites de la Chine compromettrait leur discours.

Dans le monde réel, la pauvreté n'a pratiquement pas reculé en dehors de la Chine et s'est même aggravée dans de nombreux pays.

- D'accord, Nate, peut-être que la situation n'est pas aussi rose que je le pensais. Mais qu'en est-il de l'espérance de vie ? Elle a explosé !

D'accord.

C'est difficile à contester.

Mais replaçons rapidement les choses dans leur contexte.

L'espérance de vie a effectivement augmenté dans une grande partie du monde ces dernières décennies, notamment dans la seconde moitié du XXè siècle. Mais là encore, nous sommes confrontés au problème des références.

Au cours de la première moitié du XIXè siècle, l' espérance de vie moyenne des ouvriers de Liverpool se limitait à quinze ans. Les commerçants de la ville n'étaient guère mieux lotis.

La paupérisation provoquée par l'exode rural et l'exode urbain durant la révolution industrielle a été vertigineuse.

Bien sûr, l'espérance de vie moyenne d'un travailleur à Liverpool ou ailleurs au Royaume-Uni paraît miraculeuse au regard des chiffres enregistrés pendant la révolution industrielle aux XIXè et au début du XXè siècles.

Les chantres du progrès ne mentionnent jamais que leurs données de référence correspondent à des niveaux historiquement bas. Cela ne signifie pas pour autant que la médecine moderne n'a pas contribué à allonger l'espérance de vie. Des études montrent que l'accès à la médecine moderne, notamment aux antibiotiques et aux vaccins administrés dès le plus jeune âge, a permis d'allonger la durée de vie. Les infrastructures sanitaires et les systèmes de plomberie ont également beaucoup contribué à cette évolution. Mais ces améliorations relèvent essentiellement de la science et de l'ingénierie de base, qui se sont développées avec la même intensité dans les États socialistes au XXè siècle. Ces progrès sont indépendants du capitalisme néolibéral.

Dans l'ensemble, la vie moderne du XXIè siècle n'est pas synonyme de vie saine.

Les êtres humains vivant dans les sociétés capitalistes industrialisées sont touchés par des maladies cardiaques, des pathologies auto-immunes et la démence. À ce jour, les tribus indigènes ne souffrent pas des mêmes maux. Les Tsimane, une tribu de l'Amazonie bolivienne, présentent  le taux le plus bas de maladies coronariennes jamais enregistré dans une population. Ils connaissent également un vieillissement cérébral 70 % plus lent tout au long de leur vie que les adultes des populations occidentales modernes exposées au progrès.

En parlant de la santé des peuples autochtones, les promoteurs du progrès ne vous diront jamais que la colonisation a  a causé la mort de 90 % de la population des Amériques, principalement par la propagation de maladies infectieuses. Les colonisateurs occidentaux, dont les promoteurs du progrès sont les héritiers spirituels expansionnistes et axés sur la croissance, ont tué tant de monde qu'ils ont modifié le climat sur Terre. Avec la disparition des villages et des villes, de vastes étendues de terres dépeuplées ont été reprises par la nature. La végétation nouvellement florissante a alors absorbé une telle quantité de dioxyde de carbone de l'air qu'elle a rapidement et dangereusement refroidi la planète.

Pour rester sur le thème des maladies infectieuses, c'est une maladie de ce type qui a provoqué la plus forte baisse de l'espérance de vie mondiale de l'histoire moderne. C'est le SarsCov2, un virus dont la propagation a été favorisée par le commerce et les voyages en masse, deux caractéristiques des concepts modernes de progrès. Un virus qui, s'il s'est effectivement échappé d'un laboratoire, pourrait être la conséquence directe des conceptions modernes du progrès.

Même cinq ans plus tard, la santé publique n'a pas encore surmonté la crise du covid. La plupart des gens l'ignorent, car cela ne correspond pas à la vision du progrès. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, le nombre de décès pour 1 000 habitants reste supérieur aux niveaux d'avant la pandémie, avec un taux de mortalité qui se maintient autour de celui de 2005. Le Covid étant désormais une réalité dans nos sociétés, non saisonnier et susceptible de causer de graves préjudices, il est peu probable que nous revenions un jour aux niveaux les plus bas. Avec le covid, les drogues et les facteurs environnementaux, les 25-44 ans ont désormais  70 % plus de risques de mourir qu'en 2010.

Le progrès, dit-on.

Revenons aux Tsimane. Ils ont un cœur et un cerveau en bonne santé, mais comme ils n'ont pas accès aux antibiotiques et aux médicaments antiparasitaires, ils meurent encore en moyenne autour de la cinquantaine.

Ah ah ! Je t'ai bien eu, Nate !

J'en ai bien peur. En effet, ce que les promoteurs du progrès ne vous diront jamais, c'est que les zones où les gens sont en meilleure santé et vivent le plus longtemps sont celles où le capitalisme néolibéral est le moins ancré. Des endroits plus isolés et moins exposés au commerce. Des endroits où le chômage officiel est extrêmement élevé. Des endroits où la productivité, tant appréciée des libéraux, est faible. Des endroits où les économies locales, et non financiarisées, sont encore florissantes. Où la nourriture est encore fraîche. Où les traditions sont anciennes. Où le rythme de vie reste lent.

 J'ai déjà écrit sur ces hauts lieux de la longévité, surnommés "zones bleues". Icaria, une petite île grecque. L'Ogliastra, sur l'île italienne de Sardaigne. L'île japonaise d'Okinawa. La péninsule de Nicoya, dans l'est du Costa Rica.

Vous n'entendrez jamais Bill Gates ou Steven Pinker plaider en faveur des valeurs locales, de la désurbanisation et de la décroissance, qui permettraient pourtant de créer un monde d'Icarias et d'Okinawas.

Dans le système capitaliste industriel mondial, le mode de vie des zones bleues est inaccessible pour la plupart des gens et ne serait tout simplement pas toléré à grande échelle par l'élite néolibérale.

Mais avec tout ce discours sur la longévité, je risque de m'égarer sur un terrain positif. Examinons donc d'autres indicateurs fournis par le capitalisme impérialiste.

En utilisant le coefficient de Gini, la mesure de référence de répartition des revenus, l'Amérique moderne est un endroit  plus inégalitaire que la Rome esclavagiste.

Le nombre de milliardaires dans le monde  a presque triplé en 17 ans, passant de 1 125 en 2008 à plus de 3 000 en 2025. Leur fortune cumulée est supérieure au PIB de tous les pays du monde, à l'exception des États-Unis et de la Chine. Cette concentration oligarchique de la richesse est sans précédent, et cette richesse confère un pouvoir également sans précédent, et c'est finalement l'unique facteur déterminant l'orientation de notre civilisation.

En termes de richesse financière pure, cette civilisation est la plus riche de l'histoire de la planète, mais 4,6 millions de personnes n'ont toujours  pas accès aux services médicaux essentiels. Une croissance accrue ne résoudra pas ce problème. Quelques milliers de milliards supplémentaires ne suffiront pas à garantir des soins de santé à plus de la moitié de la population mondiale qui en est actuellement privée. Cette injustice, comme tant d'autres dans notre monde, ne concerne pas tant la taille du gâteau que la façon dont il est partagé.

 Huit hommes détiennent autant de richesses que la moitié de la population mondiale.

Il serait absurde et surtout stupide de prétendre que la solution réside dans une croissance supplémentaire.

Le problème, c'est le pouvoir, la richesse et leur répartition.

La solution consiste à priver l'élite de son pouvoir et de sa richesse pour les redistribuer.

Mais si vous pensez que le monde s'améliore grâce à un système produisant de telles inégalités, vous avez peu de chances de parvenir à cette conclusion. C'est là que réside l'essence même des raisons pour lesquelles les dirigeants néolibéraux du monde entier ont tant promu l'idée de progrès.

Au Royaume-Uni,  les salaires réels ont cessé d'augmenter en 2008. Depuis, l'inflation a largement dépassé la croissance des salaires. Ainsi, depuis près de 20 ans, le salaire mensuel moyen d'un Britannique ne lui permet plus de s'offrir autant qu'auparavant.

Que s'est-il passé en 2008 ? Justement. L'effondrement du système néolibéral financiarisé, à l'origine de tous ces progrès.

Au Royaume-Uni, les personnes aux revenus les plus faibles consacrent désormais  63 % de leurs revenus au loyer, soit une hausse de près de 10 % en quelques années.

Aux États-Unis, la situation s'avère légèrement moins alarmante. Les salaires ont certes augmenté de près de 80 % depuis la crise financière, mais la  croissance réelle des salaires n'est que d'environ 12 %. Les gens  dépensent également plus que jamais pour des produits de première nécessité, comme le logement et les soins de santé.

Avec du recul, on constate que les écosystèmes de la Terre sont en train d'être détruits. Une  série de graphiques terrifiants réalisés par des scientifiques spécialistes de l'environnement illustre les dégâts causés par le capitalisme industriel sur la planète. On y observe l'augmentation extraordinaire des gaz à effet de serre, l'explosion de la production de plastique, la pollution des côtes par l'azote, la déforestation et l'acidification des océans. Les cinquante dernières années de capitalisme mondial effréné ont causé plus de dégâts à la planète que les 5 000 années précédentes.

Le progrès, disent-ils.

Les libéraux progressistes n'ont bien sûr rien à dire sur le génocide. Ils n'ont rien à dire sur le massacre industrialisé de centaines de milliers d'êtres humains par le système occidental d'impérialisme guerrier qu'ils tentent de nous faire accepter au nom de la vie. Une  récente estimation de deux universitaires australiens évalue à 680 000 le nombre de personnes assassinées à Gaza. Face à ce massacre, les apôtres de la modernité se taisent.

(Au fait, rien d'étonnant à ce que deux des principaux défenseurs du discours sur le progrès, Bill Gates et Steven Pinker, aient été de grands amis de Jeffrey Epstein,  un sioniste pur et dur, défenseur de la science raciale et probablement agent des services secrets israéliens).

Que ce soit à Gaza, en Irak ou au Venezuela, les morts massives provoquées par la machine de guerre impérialiste n'ont jamais motivé les libéraux ni donné lieu à une remise en question de leur conception du progrès.

Leur conception du progrès n'est pas la mienne.

Leurs nouvelles positives ne sont pas les miennes.

Vous connaissez peut-être le site Positive News, qui se présente comme un remède à la négativité.

Je l'ai consulté l'autre jour. L'un des événements positifs de la semaine dernière, nous dit-on, est qu'un groupe de défense des droits a collaboré avec Microsoft pour éviter que  les noms non occidentaux ne soient pas mal étiquetés dans Word comme des fautes d'orthographe, avec l'apparition d'une ligne rouge ondulée. Apparemment, ce serait "un signe que certaines identités ne sont pas valides" et la modification du logiciel Word montrerait que "des changements positifs sont possibles lorsqu'on travaille main dans la main". Écoutez, je suis aussi éveillé qu'on peut l'être. Je suis radicalement éveillé. Résistance à tous les étages. Fin de toutes les injustices. Mais je suis désolé. C'est grotesque. La plus jaune des histoires jaunes. Le genre même de non-sens performatif qui ternit la réputation de la cause. Une douche froide pour les libéraux de la représentation qui ne s'intéressent pas aux changements matériels réels.

En poursuivant ma navigation, j'ai jeté un œil aux 25 meilleures nouvelles positives de 2025. Je critiquerais bien chacune d'entre elles en détail, mais cet article est déjà bien assez long. Mais, par exemple, à la 19è place, on trouve "le cessez-le-feu à Gaza et l'accord sur les otages".

Franchement.

Mes histoires d'espoir et de positivité ne seront jamais les leurs.

L'espoir et l'optimisme naissent de la résistance. De la résistance à des entreprises comme Microsoft. De la résistance aux faux accords de cessez-le-feu qui occultent le génocide, de la résistance aux discours impérialistes qui propagent de tels mensonges.

L'espoir et l'optimisme résultent du démantèlement du discours néolibéral sur le progrès et d'une vision claire du monde tel qu'il existe.

L'espoir et l'optimisme se fondent sur une identification correcte de l'ennemi.

Adhérer à ces récits revient à admettre notre incapacité à les identifier correctement.

Cette incapacité à identifier correctement l'ennemi est précisément ce sur quoi comptent les élites du statu quo. Elles comptent sur une vigilance insuffisante, sur la colère et le blâme. Elles comptent sur l'assurance que rien ne sera remis en question, sur une culpabilité reportée sur d'autres.

La capacité à remettre en question, à voir clair dans le jeu, voilà la bonne nouvelle !

Car remettre en cause ces récits permet de focaliser l'attention avec précision et d'identifier l'ennemi. Et une fois l'ennemi identifié, nous pouvons travailler à trouver les solutions adéquates.

Une fois l'ennemi identifié, l'espoir et l'optimisme viendront de l'organisation et du combat contre lui.

Agir autrement, c'est-à-dire reproduire les récits progressistes, revient à jouer le jeu de l'ennemi, à faire le travail à sa place.

Je ne cherche pas à déprimer qui que ce soit.

Je considère l'écriture comme un moyen de reconstruire une histoire du monde, en mettant en évidence les forces structurelles sous-jacentes responsables de nos réalités actuelles.

Une histoire qui, en fin de compte, je l'espère, aura beaucoup plus de sens que celle qui nous a été transmise.

Une histoire susceptible de donner du pouvoir et donc de fournir la capacité d'agir.

Une histoire porteuse d'un message perçu et partagé par d'autres.

Bien sûr, de bonnes choses se produisent en marge : une nouvelle réserve naturelle nationale ici, une avancée médicale là. Il faut soutenir les initiatives positives quand elles se présentent. Mais ces faits isolés ne changent pas la donne. Ne nous laissons pas distraire. Seul le déclin de l'impérialisme et du capitalisme extractif peut faire la différence.

Au début de cet article, j'ai précisé que je ne suis pas thérapeute.

Je reconsidère l'idée. En effet, en concluant cet article, je me rends compte que l'écriture est ma thérapie. Et si j'en crois ce que j'en sais, un bon thérapeute doit vous mettre au défi et vous confronter à des vérités inconfortables.

Ce type de thérapie n'est sans doute pas perçu comme un message positif dans la tradition néolibérale de Bill Gates, de Steven Pinker et autres pontes de Davos, mais il me parle.

Et s'il vous inspire aussi, j'en serai le premier ravi.

Traduit par  Spirit of Free Speech

 ssofidelis.substack.com