18/10/2020 3 articles dedefensa.org  5 min #180542

Croisière sur le Titanic

Charles Hugh Smith

Que nous nous en rendions compte ou non, nous réagissons par l'acceptation passive et l'oubli.

Vous avez sans aucun doute entendu l'anecdote cyniquement moqueuse du déplacement des chaises longues sur le pont du Titanic comme une analogie symbolique de la futilité d'approuver des ajustements politiques face à la crise systémique [la GCES, selon nous]. J'ai déjà utilisé le cas du Titanic comme une analogie de la fragilité de notre système financier face à la terrible catastrophe de la pandémie :

• |e15 mars 2016, " Why Our Financial System Is Like the Titanic" ;
• le 20 janvier 2020, " Coronavirus and the 'Unsinkable'Titanic Analogy".

Mais il y a une analogie très significative, que vous ne connaissez sans doute pas. Pour la comprendre cette analogie, nous devons rappeler récapituler le contexte de la tragédie.

Le 14 avril 1912, le paquebot Titanic, considéré comme insubmersible en raison de l'étanchéité de ses compartiments de coque, est entré en collision avec un énorme iceberg, par une nuit étrangement calme et sans lune. Aux premières heures du 15 avril, l'immense navire se brise en deux et coule, emportant dans son naufrage la majorité de ses passagers et de son équipage.

Sur les 2 208 passagers et membres d'équipage, 1 503 ont péri et 705 ont survécu. Les canots de sauvetage avaient une capacité maximale de 1 178 personnes, ce qui fait au moins 475 morts de trop.

La complaisance initiale des passagers et de l'équipage après la collision est une autre source d'analogies concernant la capacité sans fin de l'humanité à nier.

La structure de classe de l'époque était appliquée par les autorités, représentées par les officiers du navire. Alors que la situation devenait visiblement tendue et menaçante, les passagers de première classe étaient installés dans les canots de sauvetage restants tandis que les passagers de troisième classe, - dont nombre d'immigrants, - étaient bloqués à bonne distance du pont. Les officiers avaient pour instruction de faire éventuellement usage de leurs revolvers.

Les deux tiers des passagers sont morts, mais les pertes n'ont pas été réparties de manière égale : 39% des passagers de première classe, 58% des passagers de deuxième classe et 76% des passagers de troisième classe ont péri.

Les calculs rudimentaires du concepteur du navire, qui était à bord pour superviser le voyage inaugural, révélèrent rapidement aux officiers que le navire allait couler et qu'il n'y avait aucun moyen de l'arrêter. Le navire avait été conçu pour survivre à la mise sous eau de quatre compartiments étanches, et pouvait probablement rester à flot si un cinquième était endommagé ; mais la sort en était jeté s'il y en avait six. L'eau se répandrait inévitablement dans les compartiments adjacents et chuterait comme des dominos jusqu'à ce que le navire coule.

Qu'ont fait les autorités de ces informations ? Totalement incapables d'agir efficacement, elles ont complètement oublié leur expérience et leur mesure et ont consacré toutes leurs ressources à faire respecter la hiérarchie des classes et l'aspect chevaleresque des relations entre sexes de l'époque : 80% des passagers masculins ont péri et 25% des passagers féminins.

L'embarquement des passagers dans les canots de sauvetage fut si mal organisé seulement 60 % de la capacité des canots de sauvetage était utilisé.

Au contraire, si les officiers avaient courageusement accepté l'inévitabilité du naufrage du navire dès le début et conçu un plan pour minimiser les pertes de vie ? Il n'aurait pas fallu un extraordinaire sursaut de créativité pour organiser les volontés de l'équipage et des passagers afin de récupérer du navire tout ce qui pouvait flotter, - chaises de pont en bois, fauteuils, parois, etc. Du fait que la mer était extrêmement calme mais glacée cette nuit-là, il aurait suffi de maintenir les naufragés hors de l'eau sur les débris flottants.

Plutôt que de promouvoir l'absurde simulacre selon lequel le navire allait bien, très bien merci alors que le temps de la catastrophe était compté, les autorités auraient pu rassembler femmes et enfants à bord des canots de sauvetage.

Sur les 1 030 personnes qui n'auraient pu être placées dans un canot de sauvetage, 890 étaient des membres d'équipage, dont environ 25 femmes. Les membres d'équipage étaient presque tous dans la force de l'âge. Si quelqu'un pouvait survivre plusieurs heures sur un radeau partiellement submergé, c'était bien les gens de l'équipage. (Le premier bateau de sauvetage est arrivé environ deux heures après le naufrage du Titanic.)

Cet effort précipité pour sauver tout le monde à bord aurait-il réussi ? Au minimum, il aurait permis de sauver 475 âmes supplémentaires grâce à un chargement minutieux des canots de sauvetage à leur capacité maximale, et si les radeaux de fortune avaient offert une flottaison significative, beaucoup plus de vies auraient été sauvées.

Plutôt que de consacrer des ressources au maintien de la prétendue sécurité et de l'ordre, que se serait-il passé si les dirigeants du navire avaient concentré leur réponse sur une question simple : que fallait-il faire pour que les gens survivent à une nuit glaciale une fois les canots de sauvetage remplis et le navire coulé ?

Je pense que vous voyez l'analogie avec le présent. Nos dirigeants, tels qu'ils sont, consacrent des ressources à maintenir l'absurde prétexte que tout sera magiquement ramené à la situation de septembre 2019 si nous imprimons juste assez d'argent et renflouons l'aristocratie financière.

Que nous en soyons conscients ou non, nous réagissons en acceptant passivement l'oubli des réalités catastrophiques ou pré-catastrophiques. L'économie et l'ordre social étaient déjà fragiles avant la pandémie, et ces fragilités se désintègrent si rapidement. Nous devons commencer à penser au-delà des simulacres et des relations publiques.

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