07/01/2022 fr.sott.net  5 min #200266

«Emmerder» les non-vaccinés : les mots de Macron soulèvent un tollé dans les rangs de l'opposition

Les emmerdés, la démerde et la fin d'une civilisation

1) C'est dit sans détours, le président Macron veut emmerder les non-vaccinés, le faire jusqu'au bout et c'est même une stratégie. Le propos n'apporte rien de nouveau sur le fond. Les Français avaient parfaitement compris que le projet de loi sur le passe vaccinal vise à pourrir la vie des non vaccinés.

La forme est en revanche inattendue, provocatrice, humiliante pour une catégorie de Français mis au ban de la société et même dépossédés dans les mots de leur qualité de citoyen, déchus de la nationalité comme si refuser le vaccin était plus grave qu'un acte terroriste. Macron ose la vulgarité et la violence symbolique sans aucun état d'âme et étant au fait d'une opinion publique agacée par l'épidémie de Covid et prête à considérer que les non-vaccinés sont les coupables du chaos ambiant et des restrictions limitées pour l'instant au port du masque et à quelques activités de loisir, prendre un verre au comptoir, aller danser.

Commentaire : Tout ceci, ce discours dénigrant, fou, insalubre, toute cette hargne et ce mépris, même cette haine, nous rappelle les discours d'un autre fou que la foule applaudissait, apeurée, terrorisée. L'histoire tourne en rond. Qui l'aurait dit ! que ce "plus jamais" (après avoir vu les camps de la mort des Nazis) était de la foutaise.

Même si le contexte est particulier, le séparatisme d'État entre deux catégories de citoyens, fondé sur un statut biologique, rappelle un autre séparatisme aux conséquences tragiques, dans les années 1940. À cette époque, la grande déflagration mit un terme à un ancien monde et la génération Kennedy et 68 arriva sur la scène culturelle puis politique. 2022, fin d'un monde, d'une civilisation ?

2) Prendre un verre assis ou debout pour les démerdeurs disposant d'un passe est une préoccupation pour une partie des Français. Cette image mène vers une remarque énoncée par Marc Menant dans l'émission de Cnews rondement menée par Christine Kelly. Menant déplore que les Français n'aient plus le goût pour s'instruire, se cultiver, s'intéresser aux joutes intellectuelles, aux débats d'idées, de société, comme au bon vieux temps des seventies. Peut-on penser à un effondrement ou disons un déclin de civilisation ? Une mutation, c'est certain et d'ailleurs, l'Europe a muté à plusieurs reprises depuis le XIVe siècle, après le tragique épisode de peste noire. Ne jouons pas les innocents, cette mutation ne date pas du Covid, elle remonte à quelque décennies et se caractérise par un affaiblissement de la culture des lettrés, du souci des humanités, la perte de la hiérarchie dans les valeurs. Est-ce une tendance lourde, appuyée par l'usage intensif des écrans plats ?

Commentaire : Le conformisme n'a pas aidé.

3) Par le passé, nombre de civilisations ont décliné et parfois disparu, surtout dans la période antique. En Amérique, les Mayas se sont éteints sans qu'une explication solide eut été proposée. Rome est tombée pendant le Ve siècle, balayée par les peuples du Nord après un long déclin amorcé au siècle III.

Souvent, la notion de civilisation est entrelacée avec celle d'empire. Au XIVe siècle commença la conquête ottomane dont le résultat fut non pas de balayer d'anciens empires, mais de les absorber. Le monde arabo-musulman était sur le déclin au moment de la conquête ottomane. Ibn Khaldoun a donné une lecture éclairante de cet effacement après des siècles radieux. L'empire romain d'Orient était, lui aussi, sur une pente déclinante bien avant la prise de Constantinople. L'Europe aurait pu disparaître avec la peste, mais elle a su se transformer. Récemment, avec le démantèlement de l'Union soviétique, ce n'est pas une civilisation, mais un empire qui fut démantelé. La Russie aurait pu disparaître en 1998, mais elle a su reprendre le flambeau et se replacer en se revendiquant de l'ère stalinienne et de la culture slave et orthodoxe. La Grande guerre de 1914 a signé la perte des empires ottomans et austro-hongrois, fragmentés en territoires et nations, avec parfois l'intervention des puissances victorieuses de 1918 qui tracèrent quelques frontières au Moyen-Orient.

4) Quel sera le destin de l'Europe que l'on voit mal disparaître à moyen terme à moins que des dissensions et des fractures invisibles n'émergent à l'occasion d'une crise dont on ne peut prédire les causes ? En revanche, l'émergence d'une civilisation nouvelle n'est pas à exclure, une civilisation propulsée par les nouvelles générations connectées. Il n'y a pas que les objets qui peuvent être connectés. Les hommes nouveaux pourraient bien décliner sur le plan intellectuel, moral et spirituel, empruntant les sillons d'une tendance déjà présente chez les élites technocratiques et bourgeoises. Une tendance dont les manifestations ont été amplifiées par le Covid.

Les passions tristes en mouvement. Colère, frustration, et désir d'emmerder son prochain si celui-ci n'obéit pas aux injonctions du moment, tout en se démerdant en appliquant les règles du contrôle social et du camp de loisir, ou mieux encore pour les bourgeois en marche, en utilisant habilement les rouages de la machinerie sociale et de l'État. La société va-t-elle se perdre ou alors trouver les forces morales et spirituelles pour refonder une civilisation haute en couleurs et en valeurs, imprégnée de sentiments religieux, de résonances, d'appartenances, d'indépendances, de partage et d'amitiés ? L'avenir nous dira si le Covid signe l'avènement d'un âge pandémique et pathologique, mettant fin à la Modernité, comme la peste acheva le Moyen Âge. Sans oublier une nouvelle renaissance comme alternative au pathos en marche.

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