16/01/2022 reseauinternational.net  5 min #200676

Très lourdes sanctions contre la junte au Mali

Bamako, Tombouctou, Kadiolo, Bougouni, Gao... : L'historique démonstration de force du peuple malien contre les sanctions de la Cedeao

par Ndam Njoya Nzoméné.

Appelé à prendre leur destin en mains après le lâchage de la CEDEAO qui a opté - à l'instigation présumée de la France - d'asphyxier leur pays par des sanctions politico-économiques, les Maliens ont massivement répondu à l'appel de la junte à protester.

Après la Guinée et le Niger dont les leaders respectifs, Mamadi Doumbouya Mohamed Bazoum, se sont désolidarisés de la CEDEAO en affirmant garder ouvertes leurs frontières avec le Mali, la junte en place à Bamako avait appelé lundi à une mobilisation massive des populations pour protester contre le bien-fondé des sanctions de la CEDEAO. Un appel auquel les Maliens ont répondu très positivement à travers le pays.

Soutien réel d'un peuple à ses dirigeants ou résultat d'une instrumentalisation voilée des populations par une junte en voie de confisquer le pouvoir au Mali ? La question peut être posée sans pour autant rien enlever à la pertinence de l'objectif fondamental des manifestations de vendredi aux cris de « Vive Assimi Goita ! », « Vive Choguel Maiga ! », « Vive le Mali ! » : dire non à la mise à mort - décrétée par la CEDEAO - du Mali déjà en proie, non seulement à une précarité, voire une précarisation sans cesse croissante, mais aussi à une crise sécuritaire et politique marquée par des soulèvements indépendantistes et un djihadisme des plus sévères dans la zone du Sahel.

Des dizaines de milliers d'hommes et de femmes, pour certains accompagnés de leurs enfants, sont donc descendus dans les rues à Bamako -où certains ont décidé de passer la nuit jusqu'à samedi, Tombouctou, Kadiolo, Bougouni, Gao... en brandissant le drapeau de leur pays (le vert, jaune et rouge), et des pancartes sur lesquelles sont brocardées la France et la CEDEAO.

Choguel Maiga maudit la CEDEAO, la Russie et Poutine appelés en renfort

Les manifestations ont été marquées à Bamako par des discours sur fond de harangue, comme celui du Premier ministre de la Transition, Choguel Kokalla Maiga, qui après avoir déclaré à la Place de l'Indépendance qu'« Aujourd'hui le monde entier voit où se trouve la légitimité populaire », et campant une posture radicalement nationaliste et panafricaniste, a mis en exergue l'exemplarité des manifestations de ce vendredi 14 janvier 2022 : « Toute l'Afrique regarde le Mali aujourd'hui. Dans une certaine mesure, le destin de l'Afrique se joue au Mali aujourd'hui ». Non sans maudire ceux qui se mettent en travers du chemin de la junte qui se confond selon lui au peuple malien tout entier : « Dieu et le peuple sont avec le gouvernement de transition.... Tous ceux qui vont se mettre contre cette transition, Dieu ne les aidera pas, Dieu va leur barrer la route ».

Répondant par ailleurs en écho aux manifestants qui scandaient le nom du président russe, Vladimir Poutine, et appelaient à une intervention plus officielle de la Russie dans la confrontation entre les forces maliennes et les djihadistes, le Premier ministre Maiga exprimé sa gratitude à la Russie et la Chine pour leur opposition mardi à l'adoption au Conseil de sécurité d'un texte soutenant les sanctions de la Cédéao contre le Mali.

Des sanctions insoutenables pour la junte

À titre de rappel, la CEDEAO a décidé dimanche dernier de sanctionner lourdement la junte, car ce qui entend prolonger de cinq années supplémentaires la transition en cours depuis le coup d'État du 18 août 2020 qui avait renversé l'impopulaire Ibrahim Boubakar Keita. Lesdites sanctions comportent la fermeture des frontières des pays de la CEDEAO au Mali, un embargo sur les échanges commerciaux (à l'exception des produits de première nécessité) et sur les transactions financières, sans oublier le gel des avoirs du Mali dans les banques de la sous-région, qui constituent de sérieuses menaces contre un pays qui dépend sur le plan fluvial des ports du Sénégal et de la Côte d'Ivoire.

« La rapidité avec laquelle ces sanctions sont appliquées (suspension depuis mardi des vols vers Bamako des compagnies ouest-africaines et d'Air France, impossibilité pour le pays de Modibo Keita de réaliser une opération sur le marché financier régional mercredi) laisse penser à un complot de la CEDEAO motivée entre autres par la volonté de certains de ses membres comme la Côte d'Ivoire et le Sénégal, de servir bras armé à l'ancien colonisateur aujourd'hui en froid avec le peuple malien. Un ancien colonisateur que soutiennent déjà l'Union européenne, l'ONU et les États-Unis ».

Le Mali « coupé du reste du monde »

Cité par la télévision France 24, Kako Nubukpo, commissaire pour l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a confirmé la situation difficile que vit le Mali à cause de ces sanctions, en affirmant que le pays est « coupé du reste du monde ».

Une situation qui révolte plus d'un Africain, à l'instar de l'activiste politique camerounais Martin Tajo qui a vivement applaudi la manifestation monstre des Maliens ce vendredi, affirmant que « l'oligarchie française vient de prendre une véritable déculottée au Mali ». Pour lui, c'est « Un peuple fort, solidaire et déterminé à lutter collectivement pour un destin commun, qui a opposé au néocolon français une belle démonstration de force : celle la légitimité populaire ».

source :  cameroonvoice.com

 reseauinternational.net

 Commenter