03/05/2023 francesoir.fr  7 min #227959

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Twitter Files, partie 17: le Global Engagement Center, ou comment l'establishment américain contre une prétendue « désinformation étrangère » par la censure

France-Soir

Les Twitter Files, partie 17, reviennent sur le Global Engagement Center, une agence américaine déjà évoquée dans la partie 12.

©Richard Drew/Sipa

#TWITTERFILES - Dans la 17e partie des Twitter Files, le journaliste Matt Taibbi s'intéresse au (GEC), une agence dont la mission est de surveiller la propagande anti-américaine. Tout comme la plateforme "Hamilton 68" (abordée dans la partie 14) du laboratoire d'idées Alliance for Securing Democracy (ASD) et son rôle dans le prétendu "RussiaGate", le GEC et son Digital Forensic Research Lab (Laboratoire de recherche judiciaire numérique, ndlr) ont fait pression sur Twitter, à travers les médias notamment, pour blacklister et censurer des milliers de comptes au nom de la lutte contre "la désinformation et la propagande étrangères".

Créé par Barack Obama à la fin de son mandat, le Global Engagement Center est officiellement un organisme interne au Département d'État. "Il ne l'est pas", affirme Matt Taibbi. Quant à sa mission de "diriger et coordonner les efforts des États-Unis pour (...) contrer les efforts de propagande et de désinformation", le journaliste affirme dans son thread que "l'objectif du GEC est plus large". Relayant une source des renseignements, il compare ce centre à un "incubateur du complexe national de désinformation".

"Tout ce que nous avons fait dans d'autres pays depuis la guerre froide, des crétins ont décidé de le ramener chez nous", poursuit sa source.

Cette nouvelle partie des Twitter Files nous apprend que le GEC, "au lieu de répondre à la désinformation par une approche plus publique", a secrètement financé des sous-traitants pour créer "une nouvelle forme insidieuse et idiote de liste noire".

En juin 2021, un analyste du Digital Forensic Research Lab (DFR Lab), "fondé par le GEC", transmet à Twitter une liste d'environ 40.000 comptes twitter que ses collègues accusent de "comportement suspect" et de "nationalisme hindou".

Ces comptes seraient des "employés rémunérés ou possiblement bénévoles" du Bharatiya Janata Party (BJP), est un des deux principaux partis politiques indiens, présidé par Narendra Modi, actuel Premier ministre du pays.

"Coupable par association"

Cette liste de 40.000 comptes contenait une multitude de citoyens américains ordinaires, n'ayant aucun lien avec l'Inde ni aucune idée de la politique indienne, révèle Matt Taibbi. "Telle est la raison pour laquelle de nombreux de ces comptes sont toujours actifs". Un modus operandi identique à celui de la plateforme "Hamilton 68" et de l'ASD, qui étiquetaient, pour peu, des internautes comme étant des "bots" ou des " larbins russes".

Une liste qui comprenait des comptes de... gouvernements occidentaux et de journalistes de la CNN basés à l'étranger.

Le GEC a par la suite  demandé au réseau social de vérifier une liste de  499 comptes, accusés de relayer une "désinformation étrangère" pour avoir tweeté, entre autres, le hashtag #IraniansDebatewithBiden (Les Iraniens débattent avec Biden) ou utilisé les messageries Telegram et Signal pour communiquer.

Une autre liste de 5.500 comptes considérés comme "chinois" a également été transmise à Twitter, sous prétexte qu'ils menaient des "opérations coordonnées de manipulations soutenues par l'État". Le journaliste Matt Taibbi explique que cette liste comprenait des comptes de... gouvernements occidentaux et de journalistes de la CNN basés à l'étranger.

Le Global Engagement Center, financé par le gouvernement US, "fournissait parfois de bonnes informations à Twitter, mais ce n'était pas souvent le cas". Matt Taibbi estime que "la source du problème" est l'approche du GEC vis-à-vis de la désinformation étrangère, notamment russe.

Dans l'un de ses  rapports, intitulé "Les piliers russes de désinformation et de propagande", le GEC explique que la Russie et "ses piliers travaillent ensemble dans le cadre d'un écosystème pour créer un effet multiplicateur médiatique".

Des organisations, étatiques ou pas, pouvaient ainsi être considérées comme faisant partie de cet "écosystème de propagande". "Coupable par association", commente Matt Taibbi, qui dénonce une idée "paresseuse". "'Si tu retweets une source d'information liée à la Russie, tu deviens lié à la Russie', n'a pas exactement de résonance comme une approche de recherche solide",  commentait encore un responsable chez Twitter.

Dans ses échanges avec le réseau social, le GEC a assimilé le mouvement des gilets jaunes en France  à l'écosystème russe. "Tout ce qui est pro-Chine, mais aussi tout ce qui est contre la Chine en Italie" est également assimilé à une stratégie de la Russie.

Les employés chez l'oiseau bleu ont fait preuve de "professionnalisme" face aux requêtes du GEC,  raconte Taibbi, ce qui a poussé ce centre à faire pression à travers les médias. "La méthode: créer un rapport alarmiste, l'envoyer à des journalistes et attendre qu'ils frappent chez Twitter, exigeant de savoir pourquoi cet écosystème n'est pas bridé" sur la plateforme.

Le GEC, un pilier d'un écosystème d'"escroqueries"

Le mode opératoire est identique à celui de la Hamilton 68, une plateforme d'analyse de données selon laquelle des "bots russes" auraient été derrière des campagnes d'influence aux États-Unis, après l'élection de Donald Trump en 2016. À l'origine de ces conclusions: une liste de 600 comptes prétendument liés à ces campagnes. La plateforme a largement servi de source à des médias mainstreams. Toutefois, chez Twitter, on a appris que ces comptes "ne sont ni russes ni des bots". Les rapports du GEC sur "les écosystèmes" qui ont servi de source aux médias sont "juste plus subtiles",  commentele journaliste dans son thread.

"Les 'rapport sur la désinformation' sont pour la plupart devenues des escroqueries, où des non experts hypnotisent les journalistes" - Matt Taibbi, journaliste indépendant

Cette "frénésie d'ingérence étrangère" apparaissait vite chez Twitter comme une preuve de "présences d'acteurs malintentionnés dans le secteur des médias", comme le GEC, qui brandissaient les "cybermenaces pour des raisons politiques ou financières". "Le GEC a doublé son budget en surestimant agressivement les menaces par des accusations non vérifiées qui ne peuvent être reproduites ni par des universitaires externes ni par Twitter",  écrivait un cadre de chez l'oiseau bleu, dans un échange interne.

Matt Taibbi cite également New Knowledge, une société d'anciens fonctionnaires de la NSA que le Comité spécial du Sénat sur le renseignement a embauché pour effectuer des évaluations "expertes" des premiers lots de comptes Facebook et Twitter "suspects". Son rapport, relayé par plusieurs médias, dont Politico, se basait également sur des comptes " pas suspects du tout".

Un organisme financé par les impôts pour traquer les Américains

"Tout comme la Hamilton 68, GEC et New Knowledge inondaient le paysage médiatique de fausses informations. Dans les deux cas, c'est les Américains qui ont payé des impôts pour devenir l'objet de ces opérations de manipulation", poursuit Taibbi.

Le GEC était obligé de dépenser 98,7 millions de dollars, dont environ 80 millions provenant du Pentagone. Au moins 39 organisations différentes, dont la liste est tenue secrète, ont profité de ces dépenses.

"Les 'rapport sur la désinformation' sont pour la plupart devenues des escroqueries, où des non experts hypnotisent les journalistes", rajoute-t-il. Le directeur du FDRLab, Graham Brookie, a nié que son organisme "utilise les taxes pour traquer des Américains, affirmant que le GEC a un objectif exclusivement international", conclut cette 17e partie des Twitter Files.

  • Les Twitter Files reviendront sur France-Soir.

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