Par Fyodor Lukyanov
Le président russe Vladimir Poutine. © Sergey Guneev
L'arrogance de l'OTAN est à l'origine de cette guerre, et elle pourrait tuer toute paix.
Par Fyodor Lukyanov, 28 avril 2025
Tout le monde attend des nouvelles concernant un accord ukrainien cette semaine. L'activité diplomatique est réelle et intense, et les signes visibles suggèrent que quelque chose d'important est en cours. Il est inutile de tenter de deviner lesquels des plans divulgués sont authentiques et lesquels relèvent de la désinformation. Ce qui est clair, c'est que la Russie se voit offrir le choix entre « un tiens dans la main et deux tu l'auras ». Le problème, c'est que les éléments nécessaires à tout accord durable sont encore dispersés parmi les divers oiseaux.
Actuellement, les discussions tournent naturellement autour du territoire. C'est un sujet sensible, d'autant plus que les territoires envisagés sont déjà sous contrôle russe. Cependant, les choses sont compliquées : la reconnaissance juridique de la souveraineté russe sur ces terres semble irréaliste, du moins à court terme. Une reconnaissance de fait, assortie d'un engagement à ne pas tenter de les restituer par la force, pourrait être une issue envisageable. Dans le contexte mondial actuel, il est naïf de considérer un accord juridique comme véritablement définitif.
Pourtant, le territoire n'était pas la véritable cause de ce conflit. Le problème plus profond résidait dans des décennies de contradictions sécuritaires non résolues. La « démilitarisation », si présente dans les revendications initiales de la Russie, englobe à la fois le statut de neutralité de l'Ukraine et la limitation plus large de ses capacités militaires, que ce soit par la réduction de la production nationale, l'interruption des approvisionnements extérieurs ou la réduction des forces existantes.
Cette exigence est loin d'être superficielle. Sa satisfaction bouleverserait l'ordre international en vigueur depuis la fin de la Guerre froide - un ordre fondé sur l'expansion incontrôlée de l'OTAN en Europe et en Eurasie, sans tenir compte des objections de Moscou. La campagne militaire est ainsi devenue un moyen d'exercer un « veto » que l'Occident avait longtemps refusé à la Russie. Une véritable démilitarisation de l'Ukraine forcerait, de fait, la reconnaissance internationale de ce veto. Mais nombreux sont ceux en Occident qui restent réticents à accepter un tel précédent.
Alors que les discussions se sont orientées vers les questions territoriales, le problème central de la sécurité militaire semble avoir été relégué au second plan. Peut-être l'administration du président américain Donald Trump, plus sceptique à l'égard de l'OTAN elle-même, le considère-t-elle comme moins fondamental. Ou peut-être trouve-t-elle simplement plus facile de contraindre l'Ukraine à céder des territoires que d'obliger l'Europe occidentale à reconnaître les droits de la Russie en matière de sécurité. Néanmoins, pour Moscou, la sécurité militaire reste une question de principe. Même si Washington fait des concessions majeures - levée des sanctions, formalisation des changements territoriaux - la Russie ne peut renoncer à cette exigence fondamentale.
Cela crée une divergence de rythme diplomatique. Washington souhaite un accord rapide ; le Kremlin estime que la précipitation ne permettra pas de parvenir à un règlement durable. Pourtant, Moscou sait aussi que les forces politiques - notamment à Washington - sont alignées de manière particulièrement favorable, et il ne veut pas laisser passer cette occasion.
L'issue sera bientôt connue. Cependant, il convient de retenir quelques leçons importantes de l'histoire.
Premièrement, atteindre des objectifs politiques nécessite souvent plus d'une campagne. Une pause dans les combats n'est pas forcément une solution.
Deuxièmement, il n'existe pas d'accord indéfini et immuable. Si un accord ne satisfait pas pleinement toutes les parties, il finira par échouer. La lutte reprendra, mais pas nécessairement par des moyens militaires.
Troisièmement, l'Ukraine n'est qu'un élément d'un processus de transformation mondiale beaucoup plus vaste dans lequel la Russie entend jouer un rôle central. Ces changements sont déjà en cours et continueront de s'intensifier. Il est important de parvenir à un certain degré d'entente avec les États-Unis. Il est intéressant de noter que la question de l'OTAN pourrait se résoudre d'elle-même avec le temps, non pas sous la pression russe, mais en raison de l'inutilité croissante de l'alliance elle-même.
Mais pour l'instant, cela reste une question d'avenir. Dans l'immédiat, la Russie est confrontée à un choix entre les oiseaux imparfaits qui s'offrent à elle - et doit peser soigneusement lesquels capturer et lesquels laisser s'envoler.
Rédacteur en chef de Russia in Global Affairs, Fyodor Lukyanov est président du Présidium du Conseil sur la politique étrangère et de défense et directeur de recherche du Valdai International Discussion Club.
Publié le 29 avril 2025 sur Rt in English, sous le titre: « Forget land - this is Russia's main demand from the West »