18/06/2025 ssofidelis.substack.com  10min #281583

Il faut mettre Netanyahu hors d'état de nuire avant qu'il ne nous mette tous à mort

Manifestation juive contre Benjamin Netanyahu, le 24 mars 2023. © Alisdare Hickson de Woolwich, Royaume-Uni, CC BY-SA 2.0 

Par  Jeffrey D. Sachs & Sybil Fares, le 17 juin 2025

Depuis près de 30 ans, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu plonge le Moyen-Orient dans la guerre et la destruction. Cet homme est une poudrière. Tout au long des guerres qu'il a menées, Netanyahu a toujours rêvé de la grande victoire : vaincre et renverser le gouvernement iranien. La guerre qu'il convoite depuis longtemps, et qui vient d'être lancée, pourrait bien nous tuer tous dans un Armageddon nucléaire, à moins de mette Netanyahu hors d'état de nuire.

L'obsession de Netanyahu pour la guerre remonte à ses mentors extrémistes, Ze'ev Jabotinsky, Yitzhak Shamir et Menachem Begin. La génération précédente estimait que les sionistes devaient recourir à toutes les formes de violence nécessaires - guerres, assassinats, terrorisme - pour atteindre leur objectif, à savoir éliminer toute revendication palestinienne à une patrie.

Les fondateurs du mouvement politique de Netanyahu, le Likoud, ont appelé à un contrôle sioniste exclusif sur tout ce qui constituait l'ancien mandat britannique de  Palestine. Au début du mandat britannique, dans les années 1920, les Arabes musulmans et chrétiens représentaient environ 87 % de la population et possédaient dix fois plus de terres que la population juive. En 1948, les Arabes étaient encore environ deux fois plus nombreux que les Juifs. Pourtant, la  charte fondatrice du Likoud (1977) déclarait qu'"entre la mer et le Jourdain, seule la souveraineté israélienne peut exister". Le slogan désormais tristement célèbre "du fleuve à la mer", qualifié d'antisémite, s'avère être le cri de ralliement anti-palestinien du Likoud.

Le défi du Likoud consiste à poursuivre ses objectifs maximalistes malgré leur illégalité flagrante au regard du droit international et de la morale, qui appellent à une solution à deux États.

En 1996, Netanyahu et ses conseillers américains ont élaboré une stratégie de " rupture franche". Ils ont préconisé le maintien par  Israël du contrôle des territoires palestiniens conquis lors de la guerre de 1967 en échange de la paix dans la région. En contrepartie, Israël se chargerait de remodeler le Moyen-Orient à sa guise. Cette stratégie prévoyait notamment que les États-Unis seraient la principale puissance chargée d'atteindre ces objectifs, en menant des guerres dans la région pour démanteler les gouvernements opposés à la domination d'Israël sur la Palestine. Les États-Unis avaient pour mission de mener des guerres au nom d'Israël.

La stratégie de "rupture franche" a été mise en œuvre avec efficacité par les États-Unis et Israël après le 11 septembre. Comme l'a révélé le général Wesley Clark , commandant suprême de l'OTAN, peu après le 11 septembre, les États-Unis prévoyaient

"d'attaquer et de détruire les gouvernements de sept pays en cinq ans, en commençant par l'Irak, puis la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et l'Iran".

La première de ces guerres, début 2003, devait renverser le gouvernement irakien. Les plans pour d'autres guerres ont été retardés lorsque les États-Unis se sont enlisés en Irak. Les États-Unis ont néanmoins soutenu la scission du Soudan en 2005, l'invasion du Liban par Israël en 2006 et l'incursion de l'Éthiopie en Somalie la même année. En 2011, l'administration Obama a lancé l'opération Timber Sycamore de la CIA contre la Syrie et, avec le Royaume-Uni et la France, a renversé le gouvernement libyen lors d'une campagne de bombardements. Aujourd'hui, ces pays sont en ruines et sont pour la plupart en proie à des guerres civiles.

Netanyahu a été l'un des principaux instigateurs de ces guerres délibérées, que ce soit en public ou en coulisses, avec ses alliés néoconservateurs au sein du gouvernement américain, notamment Paul Wolfowitz, Douglas Feith,  Victoria Nuland, Hillary Clinton, Joe Biden, Richard Perle, Elliott Abrams et d'autres.

Témoignant devant le Congrès américain en 2002, Netanyahu a plaidé en faveur de la guerre désastreuse en Irak, déclarant :

"Si vous éliminez Saddam, le régime de Saddam, je vous garantis que cela aura d'énormes répercussions positives sur la région". Il a poursuivi : "Et je pense que ceux qui vivent à notre porte, en Iran, les jeunes et beaucoup d'autres, diront que le temps de ces régimes, de ces despotes, est révolu".

Il a également déclaré mensongèrement au Congrès

qu'"il ne fait aucun doute que Saddam cherche, œuvre et progresse vers la mise au point d'armes nucléaires".

Le slogan "réinventer le Moyen-Orient" sert de prétexte à ces guerres. Initialement formulé en 1996 dans le document "Clean Break", il a été popularisé par la  secrétaire d'État Condoleezza Rice en 2006. Alors qu'Israël bombardait violemment le Liban, Rice a déclaré :

"Ce que nous voyons ici, en quelque sorte, c'est la naissance d'un nouveau Moyen-Orient, et quoi que nous fassions, nous il nous faudra aller de l'avant vers ce nouveau Moyen-Orient, et ne pas revenir à l'ancien".

En septembre 2023, Netanyahu a présenté à l'Assemblée générale des Nations unies une carte du " Nouveau Moyen-Orient" où l'État palestinien avait complètement disparu. En septembre 2024, il a développé ce plan en montrant deux cartes : une partie du Moyen-Orient, "bénie", et l'autre, comprenant le Liban, la Syrie, l'Irak et l'Iran, "maudite", pour laquelle il prônait un changement de régime.

La guerre d'Israël contre l'Iran est la dernière étape d'une stratégie de plusieurs décennies. Nous assistons à l'aboutissement de nombreuses années de manipulations du sionisme extrémiste de la politique étrangère américaine.

La prémisse de l'attaque d'Israël contre l'Iran est l'affirmation selon laquelle l'Iran serait sur le point d'acquérir l'arme nucléaire. Une telle affirmation est grotesque, car l'Iran a appelé à plusieurs reprises à des négociations précisément pour éliminer l'option nucléaire en échange de la fin des sanctions américaines qui durent depuis des décennies.

Depuis 1992, Netanyahu et ses soutiens affirment que l'Iran deviendrait une  puissance nucléaire  "dans quelques années". En 1995, des responsables israéliens et leurs soutiens américains ont annoncé un  délai de cinq ans. En 2003, le directeur des services du renseignement militaire israéliens a déclaré que l'Iran sera une puissance nucléaire " d'ici l'été 2004". En 2005, le  chef du Mossad a déclaré que l'Iran pourrait fabriquer l'arme atomique en moins de trois ans. En 2012, Netanyahu a affirmé devant les Nations unies

qu'"il ne reste que quelques mois, voire quelques semaines, avant que l'Iran dispose de suffisamment d'uranium enrichi pour fabriquer sa première bombe".

Et ainsi de suite.

Ce scénario de report des échéances, qui dure depuis plus de 30 ans, témoigne d'une stratégie délibérée et non d'un échec des prophéties. Ces affirmations relèvent de la propagande. On invoque toujours une "menace existentielle". Plus important encore, Netanyahu prétend à tort que les négociations avec l'Iran sont inutiles.

L'Iran a répété à maintes reprises ne pas vouloir se doter de l'arme nucléaire et être disposé depuis longtemps à négocier. En octobre 2003, le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, a émis une fatwa interdisant la production et l'utilisation d'armes nucléaires, une décision ensuite officiellement mentionnée par l'Iran lors d'une réunion de l'AIEA à Vienne en août 2005, et citée depuis comme un obstacle religieux et juridique à la poursuite d'un programme d'armement nucléaire.

Même pour les sceptiques sur les intentions de l'Iran, ce pays a toujours plaidé en faveur d'un accord négocié et soutenu par une vérification internationale indépendante. En revanche, le lobby sioniste s'est opposé à tout règlement de ce type, appelant les États-Unis à maintenir les sanctions et à rejeter tout accord permettant une surveillance stricte de l'AIEA en échange de la levée des sanctions.

En 2016, l'administration Obama, en collaboration avec le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, la Chine et la Russie, a conclu avec l'Iran le  Plan d'action global conjoint (JCPOA), un accord historique visant à surveiller strictement le programme nucléaire iranien en échange d'un allègement des sanctions. Cependant, sous la pression incessante de Netanyahu et du lobby sioniste, le  président Trump s'est retiré de l'accord en 2018. Comme on pouvait s'y attendre, lorsque l'Iran a réagi en augmentant son enrichissement d'uranium, il a été accusé de violer un accord que les États-Unis eux-mêmes avaient dénoncé. Difficile de ne pas relever le double standard et la propagande.

Le 11 avril 2021, le  Mossad israélien a attaqué les installations nucléaires iraniennes à Natanz. Après l'attaque, le 16 avril, l'Iran a annoncé une nouvelle augmentation de son enrichissement d'uranium, afin de renforcer son pouvoir de négociation, tout en appelant à plusieurs reprises à la reprise des négociations sur un accord similaire au JCPOA. L'administration Biden a rejeté toute négociation de ce type.

Au début de son second mandat, Trump a accepté d'ouvrir un nouveau cycle de négociations avec l'Iran. L'Iran s'est engagé à renoncer aux armes nucléaires et à se soumettre aux inspections de l'AIEA, mais s'est réservé le droit d'enrichir de l'uranium à des fins civiles. L'administration Trump a apparemment accepté ce point, mais est ensuite revenue sur sa décision. Depuis, cinq séries de négociations ont eu lieu, les deux parties rapportant à chaque fois des signes de progrès.

La sixième série devait officiellement débuter le dimanche 15 juin. Mais Israël a lancé une offensive préventive contre l'Iran le 12 juin. Trump a confirmé que les États-Unis étaient au courant de cette attaque, alors même que son administration parlait publiquement des négociations à venir.

L'attaque israélienne a eu lieu non seulement alors que les négociations progressaient, mais aussi quelques jours avant la tenue prévue d'une conférence de l'ONU sur la Palestine qui aurait fait avancer la cause de la solution à deux États. Cette conférence a désormais été reportée.

L'attaque d'Israël contre l'Iran menace désormais de dégénérer en une guerre totale impliquant les États-Unis et l'Europe aux côtés d'Israël, et probablement la Russie et peut-être le Pakistan aux côtés de l'Iran. Nous pourrions bientôt voir plusieurs puissances nucléaires s'affronter et entraîner le monde vers l'anéantissement nucléaire. L'horloge de l'apocalypse n'est plus qu'à 89 secondes avant minuit, soit le niveau le plus proche de l'Armageddon nucléaire depuis sa création en 1947.

Au cours des 30 dernières années, Netanyahu et ses soutiens américains ont détruit ou déstabilisé une zone de 4 000 km de long s'étendant de l'Afrique du Nord à la Corne de l'Afrique, en passant par l'est de la Méditerranée et l'Asie occidentale. Leur objectif est d'empêcher la création d'un État palestinien en renversant les gouvernements favorables à la cause palestinienne. Le monde mérite mieux que cet extrémisme. Plus de 180 pays membres de l'ONU ont appelé à la solution à deux États et à la stabilité régionale. Une position plus sensée que celle d'Israël, qui, pour servir ses objectifs illégaux et extrémistes, conduit le monde au bord d'un Armageddon nucléaire.

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Traduit par  Spirit of Free Speech

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