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 Fil de discussion sur la guerre contre l'Iran - 2

Fil de discussion sur la guerre contre l'Iran - 6

Par  Moon of Alabama - Le 20 juin 2025

J'ai commenté hier que Trump se Dégonfle Toujours (TDT) en citant un article de CNN :

 Trump accordera deux semaines supplémentaires à la diplomatie avant de décider d'une frappe américaine contre l'Iran, selon la Maison Blanche

« Compte tenu du fait qu'il existe une forte probabilité que des négociations aient lieu ou non avec l'Iran dans un avenir proche, je prendrai ma décision dans les deux prochaines semaines », a déclaré le président dans son communiqué, lu à haute voix par la porte-parole Karoline Leavitt depuis la salle de presse de la Maison Blanche.

Cependant, « dans les deux prochaines semaines » laisse de nombreuses possibilités ouvertes. J'ai néanmoins perçu que Trump avait décidé de ne pas bombarder l'Iran.

Yves Smith, de Naked Capitalism, voit  une autre forme de TDT :

Trump a approuvé un plan d'attaque américain contre l'Iran, mais il attendrait de voir comment Téhéran réagit à son dernier ultimatum, qui consiste à renoncer non seulement à l'enrichissement nucléaire, mais aussi aux missiles balistiques, c'est-à-dire à devenir sans défense. Trump a mis les gaz à fond tout en ayant jeté le volant par la fenêtre. Il a créé trop d'attentes quant à une action pour pouvoir faire marche arrière. Le TDT prévaut : Trump n'est pas disposé et/ou incapable de tenir tête au lobby israélien et aux néoconservateurs.

Nous verrons bien. Mon intuition reste que Trump s'abstiendra d'attaquer l'Iran, car les dommages potentiels que cela pourrait causer à la position mondiale des États-Unis, ainsi qu'à ses projets politiques nationaux, sont trop importants pour que cela soit une solution viable.

Lorsque la guerre en Ukraine a été déclenchée par Kiev, les États-Unis et leurs alliés avaient prévu de choquer la Russie pour la soumettre. Ils pensaient que la Russie était faible. Ils espéraient un effondrement économique et une défaillance de son gouvernement. Mais cette stratégie a échoué. Dans les mois et les années qui ont suivi l'attaque, la Russie a entraîné l'Ukraine dans une guerre d'usure que l'Ukraine, même avec le soutien de l'Occident, n'a aucune chance de gagner.

Après avoir reconnu qu'il n'y avait rien à gagner à combattre la Russie, Trump s'est retiré de la guerre.

Des plans similaires ont été élaborés pour l'attaque contre l'Iran. Une campagne de choc et d'effroi allait décapiter et affaiblir l'Iran.  Malgré toutes les preuves, l'Iran était perçu comme faible. Une révolution allait éclater. Toute riposte de l'Iran serait vaincue. Mais cette stratégie a échoué. Depuis le début de la guerre, l'Iran a entraîné Israël dans une guerre d'usure qu'Israël, même avec le soutien de l'Occident, n'a aucune chance de gagner.

Il faudra peut-être encore quelques jours à Trump pour accepter ce point de vue. Mais, comme en Ukraine, il est probable qu'il en tire la bonne conclusion.

Aujourd'hui, la guerre se poursuit encore. Aucune des deux parties ne dispose de la supériorité aérienne. Israël utilise des armes à longue portée et des drones pour frapper des cibles en Iran. Mais son succès contre les lanceurs de missiles mobiles iraniens est si médiocre qu'il  présente chaque différente photo de frappe comme étant une défaite unique des forces iraniennes.

L'Iran utilise des missiles balistiques avec une précision étonnante. À l'heure actuelle, au moins 50 % d'entre eux traversent le réseau autrefois dense des défenses antimissiles israéliennes. Plusieurs dizaines d'entre eux  frappent Israël chaque jour.

Mais les réserves de missiles de défense utilisées par Israël se comptent en centaines, tandis que celles de missiles balistiques utilisés par l'Iran se comptent en milliers. Sur le  plan logistique et financier, c'est un combat qu'Israël ne peut pas gagner.

Son seul espoir est d'impliquer directement les États-Unis dans un conflit contre l'Iran. Mais stratégiquement, les États-Unis n'ont rien à y gagner. La Russie et la Chine ne regretteront pas que les États-Unis s'enlisent à nouveau au Moyen-Orient.

Il est bien sûr possible que l'instinct de Trump le trompe et qu'il ordonne une attaque directe contre l'Iran. Les sources de  Seymour Hersh affirment que les États-Unis frapperont ce week-end :

Voici un rapport sur ce qui va très probablement se passer en Iran, dès ce week-end, selon des sources israéliennes et des responsables américains en qui j'ai confiance depuis des décennies. Cela impliquera de lourds bombardements américains. J'ai vérifié ce rapport auprès d'un fonctionnaire américain à Washington, qui m'a dit que tout serait « sous contrôle » si le guide suprême iranien Ali Khamenei « partait ». On ne sait pas comment cela pourrait se produire, à moins de l'assassiner. On a beaucoup parlé de la puissance de feu américaine et des cibles en Iran, mais, pour autant que je sache, peu de réflexions pratiques ont été menées sur la manière de destituer un chef religieux vénéré qui compte d'énormes partisans.

Ce serait bien sûr le moyen le plus sûr de garantir que l'Iran développe effectivement de véritables armes nucléaires :

 Les agences de renseignement américaines estiment que l'Iran reste indécis quant à la fabrication d'une bombe ( archivé) - NY Times

Les responsables des services de renseignement américains ont déclaré que l'Iran serait susceptible de se tourner vers la production d'une arme nucléaire si les États-Unis attaquaient un site principal d'enrichissement d'uranium ou si Israël tuait son guide suprême.

Les bombes conventionnelles ne suffiraient probablement pas à détruire les bunkers d'enrichissement profondément enfouis en Iran. Les États-Unis devraient recourir à l'arme nucléaire. La bombe nucléaire B61-11 a une puissance de 300 à 400 kilotonnes. Hiroshima et Nagasaki ont été détruites par des bombes de 15 et 21 kilotonnes. Son utilisation créerait un précédent dont personne ne veut.

Le ministre iranien des Affaires étrangères est à Genève pour rencontrer le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France. Il n'y a rien à attendre de cette rencontre. Le président français Macron, qui avait condamné Trump il y a quelques années pour avoir quitté l'accord JCPOA avec l'Iran, a désormais adopté la position de Trump.  Il exige l'arrêt total de l'enrichissement, des limites sur les missiles balistiques iraniens et des limites sur le soutien de l'Iran aux forces de résistance. Une farce, car tous ces points sont des lignes rouges bien connues de l'Iran.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

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