par Alexandre Lemoine.
Le centre analytique indépendant américain Security Policy Reform Institute (SPRI) a publié la liste des principaux bénéficiaires de la guerre en Afghanistan, qui ont obtenu la plus grande part du gâteau de plus de 2 000 milliards de dollars dépensés par les États-Unis pour la guerre afghane.
C'est le top-5 des compagnies militaires : Lockheed Martin, Raytheon, General Dynamics, Boeing et Northrop Grumman.
En tout, selon l'Institut Watson de l'Université Brown (Providence, États-Unis), entre 2001 et 2021, les États-Unis ont dépensé 2 313 milliards de dollars pour la guerre en Afghanistan. Les experts du SPRI trouvent sous-estimé ce chiffre publié par les sites gouvernementaux. Une montée en flèche des dépenses en 2020 est due aux paiements accélérés du Pentagone aux cinq compagnies militaires dans le cadre des contrats signés au vu des risques de Covid-19.
La sénatrice démocrate du Massachussetts Elizabeth Warren s'est dite sceptique quant à cette démarche du Pentagone, supposant que les versements de 3 milliards de dollars seront utilisés par les géants de l'industrie militaire américaine pour « racheter les actions, verser des dividendes élevés et le salaire à la direction ».
Et ce scepticisme est fondé : entre 2015 et 2019, le salaire des directeurs généraux des cinq leaders américains de l'industrie de l'armement a dépassé 500 millions de dollars.
Les auteurs du rapport citent Julian Assange qui, encore en 2011, 𝕏 a déclaré que l'objectif des États-Unis dans la guerre afghane était d' »utiliser l'Afghanistan pour prendre l'argent des bases fiscales des États-Unis et de l'UE pour le rendre à l'élite transnationale des renseignements. L'objectif est une guerre sans fin, pas une guerre réussie ».
Le quotidien suisse Neue Zürcher Zeitung écrit que la reconstruction de l'Afghanistan n'a jamais été l'objectif réel des États-Unis. « Des centaines de milliards de dollars des contribuables américains ont été dépensés pour la guerre, et seulement une partie infime a servi à reconstruire le pays. Sachant que Washington n'a pas réussi à parvenir au succès en Afghanistan à cause du gaspillage », écrit le quotidien.
Selon les informations du Bureau de l'inspecteur général spécial pour la reconstruction de l'Afghanistan (SIGAR) auprès du congrès américain, seulement 133 milliards de dollars (moins de 7% des 2 000 milliards de dollars dépensés pour la guerre en Afghanistan) ont été déclarés par les Américains comme dépenses pour la reconstruction du pays. Sachant que la majeure partie de ces fonds a été dépensée « pour la sécurité ». Presque 90 milliards de dollars ont été alloués pour la formation des soldats afghans, la lutte contre le trafic de stupéfiants et le « maintien de la paix » (opérations contre la guérilla). Environ 37 milliards de dollars ont été alloués pour des projets d'infrastructure, les programmes sociaux et le système de la santé. Une partie de cet argent a également servi à « lutter contre le trafic de stupéfiants » qui n'a pas diminué pour autant.
L'Afghanistan demeure à ce jour le plus grand producteur mondial d'opium. L'industrie du jus de pavot qui sert à produire de l'héroïne est considérée comme le deuxième secteur économique le plus important en Afghanistan derrière le secteur militaire, écrit le quotidien Neue Zürcher Zeitung. Sauf que si avant la prise du pouvoir les talibans contrôlaient plus de 60% de la production d'opium, aujourd'hui, quand ils dirigent tout le pays, ils contrôlent l'ensemble de la production du pavot à opium et 85% de la production mondiale d'opium.
Sans oublier d'autres projets onéreux ratés des États-Unis. 2 milliards de dollars ont été investis dans la construction des routes lesquels les Afghans étaient incapables de maintenir en bon état en l'absence de financement et de capacités techniques. 660 millions de dollars ont été dépensés pour acheter et livrer des véhicules blindés pour l'armée afghane, mais les militaires afghans étaient mal formés à la maintenance technique et aux réparations de matériel militaire complexe.
Les revenus exorbitants de la guerre en Afghanistan n'est qu'une infime partie des bénéfices des compagnies militaires américaines en 20 ans. Selon l'Université Brown, toutes les opérations militaires après les attentats du 11 septembre 2001, y compris la guerre en Irak et les missions antiterroristes dans d'autres pays, ont coûté au contribuable américain 6 400 milliards de dollars, qui ont rempli les budgets des cinq monstres militaires avec Lockheed Martin en tête.
Cet enrichissement sans précédent des leaders américains de l'industrie de l'armement n'a pas profité aux forces armées des États-Unis. Des sommes immenses ont été dépensées pour créer de prétendus prototypes, qui se sont avérés inexploitables dans des opérations militaires intenses.
Ainsi, la construction de destroyers géants de classe Zumwalt fut l'un des projets les plus ratés du Pentagone. L'idée de construire de tels navires a été exprimée après les événements du 11 septembre. Ces bâtiments étaient destinés à éliminer des bases et des camps d'entrainement des combattants, ainsi qu'à appuyer le débarquement de l'infanterie de marine. Leur arsenal principal contient 80 missiles Tomahawk. Les Américains prévoyaient initialement de construire 32 navires de cette classe. Puis 24. Ensuite sept. Avant de s'arrêter à trois. Et pas seulement à cause de leur coût élevé (qui équivaut pratiquement à celui d'un porte-avions) ou des erreurs dans les armements. Au moment de la mise à l'eau du premier Zumwalt il s'est avéré que ces navires n'avaient plus leur place sur le terrain car la mission d'appui des opérations terrestres n'était plus d'actualité.
Au final, les trois destroyers Zumwalt sont devenus des « éléphants blancs ». La planification et la construction de ces « éléphants blancs » étaient prises en charge par une « équipe en or » : les cinq géants Northrop Grumman, Raytheon Systems, General Dinamics, Lockheed Martin et Boeing.
Mais ces derniers ne sont pas les seuls à se permettre de gaspiller l'argent des contribuables américains, il y a aussi des compagnies de rang inférieur. Ainsi, après 16 ans de recherches a été fermé le programme du canon électromagnétique (railgun) tirant des projectiles à une vitesse six fois supérieure à celle du son.
Les compagnies BAE Systems et General Atomics ont gagné 500 millions de dollars sur l'élaboration de ce supercanon, mais n'ont pas atteint l'objectif fixé.
Les compagnies militaires américaines gâtées par l'argent facile n'arrivent pas non plus à créer une arme hypersonique. La compagnie Lockheed a raté un nouvel essai du missile hypersonique, ce qui suscite les moqueries des médias américains.
source : observateurcontinental.fr