23/06/2025 lesakerfrancophone.fr  8min #282079

 Trump bombarde directement l'Iran, après avoir aidé Israël à déclencher la guerre. Téhéran promet des représailles

L'allégation clé qui a déclenché la guerre Iran-Israël a été construite à partir d'un algorithme de contre-espionnage créé par Palantir

Par Alastair Crooke - Le 20 juin 2025 - Source  Conflicts Forum

La Résolution du Conseil d'administration de l'AIEA sur le « non-respect«, le 12 juin 2025, fut l'excuse prévue pour la soudaine frappe israélienne contre l'Iran, le lendemain. Les Israéliens disent que le plan d'entrer en guerre avec l'Iran était fondé sur « l'opportunité » de frapper, et non sur les renseignements selon lesquels l'Iran se dirigeait vers une bombe (c'était la raison annoncée de cette guerre).

L'affirmation soudaine selon laquelle l'Iran serait très proche d'une bombe (qui est apparemment  sortie de « nulle part » pour laisser les Américains perplexes sur la façon dont cela pourrait arriver - en un clin d'œil, nous sommes en guerre - a ensuite  été réfutée par le chef de l'AIEA, Grossi, à CNN le 17 juin - mais seulement après que l'attaque brutale fut lancée :

"Nous n'avions aucune preuve d'un effort systématique [de l'Iran] pour passer à une arme nucléaire », a confirmé Grossi sur CNN.

Sa déclaration a suscité la riposte suivante de l'Iran par le porte-parole de son ministère des Affaires étrangères, Esmaeil Baqaei, le 19 juin :

« C'est trop tard, M. Grossi. Vous avez obscurci cette vérité dans votre rapport absolument biaisé qui a été instrumentalisé par E3/US pour élaborer une résolution avec une allégation sans fondement de « non-respect » [iranien] ; la même résolution a ensuite été utilisée, comme dernier prétexte, par un régime belliciste génocidaire pour mener une guerre d'agression contre l'Iran et lancer une attaque illégale contre nos installations nucléaires pacifiques. Savez-vous combien d'Iraniens innocents ont été tués/mutilés à la suite de cette guerre criminelle ? Vous avez transformé l'AIEA en un outil pratique pour les non-membres du TNP afin de priver les membres du TNP de leur droit fondamental en vertu de l'article 4. Avez-vous la conscience claire ?!".

À quoi le Dr Ali Larijani, Conseiller du Guide suprême, a ajouté :

« Lorsque la guerre prendra fin, nous tiendrons le directeur de l'AIEA, Rafael Grossi, pour responsable".

Ce qu'ils disent :

 Déclaration du ministère russe des Affaires étrangères concernant l'escalade du conflit irano-israélien -

« Ce sont précisément ces « sympathisants« [UE3] qui ont exercé des pressions sur les dirigeants de l'Agence [AIEA] pour qu'ils préparent une"évaluation globale » controversée du programme nucléaire iranien, dont les failles ont ensuite été exploitées pour faire adopter une résolution partiale anti-Iran lors du Conseil des gouverneurs de l'AIEA le 12 juin [2025]. Cette résolution a effectivement donné le feu vert aux actions de Jérusalem-Ouest, conduisant à une tragédie [c'est-à-dire à l'attaque sournoise du lendemain, le 13 juin].

Dans les coulisses :

Les fondements de la résolution de l'AIEA du 12 juin 2025 - donnant prétexte à Israël de frapper l'Iran (et conçue pour inciter Trump à repousser les avertissements de son propre Directeur du Renseignement national selon lesquels il n'y avait aucune preuve que l'Iran se dirige vers l'armement) - auraient été tirés non pas du Mossad ou d'autres services de renseignement occidentaux, mais du logiciel de l'AIEA.  Comme le souligne DD Geo-politics, depuis 2015, l'AIEA s'appuie sur la plate-forme Mosaic de Palantir, un système d'IA à 50 millions de dollars qui passe au crible des millions de points de données - imagerie satellite, médias sociaux, journaux du personnel - pour prédire les menaces nucléaires:

« Le stock iranien [d'uranium enrichi] augmentait régulièrement depuis des mois, pourtant, le récit d'une percée imminente n'a fait un bond qu'après la résolution de l'AIEA le 6 juin 2025. Cette résolution, adoptée 19-3, a fourni à Israël la couverture diplomatique dont il avait besoin. La plateforme Mosaic de Palantir a joué un rôle essentiel dans ce pivot. Ses données ont façonné le rapport du 31 mai, signalant des anomalies à Fordow et Lavisan-Shian, et recyclant des allégations antérieures sur Turquzabad - malgré des années de dénégations iraniennes et de sabotage. Mosaic a été conçu à l'origine pour identifier les activités des insurgés en Irak et en Afghanistan".

Son algorithme cherche à identifier et à déduire une « intention hostile » à partir d'indicateurs indirects - métadonnées, modèles de comportement, trafic de signaux - et non à partir de preuves confirmées. En d'autres termes, il postule ce que des suspects pourraient penser ou planifier. Le 12 juin, l'Iran a divulgué des documents qui, selon lui, montraient que le chef de l'AIEA, Rafael Grossi, partageait les résultats de Mosaic avec Israël. En 2018, Mosaic avait traité plus de 400 millions de données discrètes et avait contribué à imputer des soupçons à plus de 60 sites iraniens de manière à justifier des inspections inopinées de ces sites par l'AIEA, dans le cadre du JCPOA. Ces résultats, bien que dépendant en grande partie d'équations algorithmiques, ont été incorporés dans les rapports officiels de garanties de l'AIEA et ont été largement acceptés par les États membres des Nations Unies et les régimes de non-prolifération comme des évaluations crédibles et fondées sur des preuves. Mosaic n'est cependant pas un système passif. Il est entraîné à déduire de son algorithme une intention hostile, mais lorsqu'il est réutilisé pour la surveillance nucléaire, ses équations risquent de traduire une simple corrélation en une intention malveillante.

Ce que disent les principaux commentateurs israéliens :

Le principal commentateur israélien de centre-droit, Ben Caspit ( Ma'ariv) :

La « percée » de l'Iran vers l'arme nucléaire a-t-elle été réellement détectée ? Probablement pas. L' « ordre » du Chef [suprême] de réaliser une arme nucléaire militaire a-t-il été réellement donné ? Probablement pas. Alors pourquoi sommes-nous partis en guerre ? Parce qu'il n'y avait pas le choix. Ils faisaient la promotion d'un plan d'annihilation d'Israël et nous n'avions pas le choix... 7 Octobre : Une douche froide a réveillé tout un pays. Toutes les personnes impliquées doivent comprendre que quiconque envisage notre destruction sera détruit. Les yeux sur la balle et une balle entre les yeux À partir de maintenant, chaque mouvement qu'un de nos ennemis fait quelque part doit être suivi d'une action. Chaque tête de serpent qui se lève doit être décapitée. Et il y a autre chose : la fenêtre d'opportunité historique rare et unique qui s'est soudainement ouverte devant nous. Tout cela a fait de la décision d'aller à cette guerre la bonne. Netanyahou est actuellement dans l'euphorie".

Commentateur israélien, Nahum Barnea ( Yedioth Ahoronot) :

« La décision de déclencher une guerre était entièrement celle de Netanyahu. Et le voici, décideur et responsable : tout le mérite lui revient. Trump a donné à Israël le feu vert pour déclencher une guerre, à condition qu'il ne présente pas l'Amérique comme un partenaire et un responsable. La méthode Trump ne fait pas de distinction entre l'Ukraine de Zelensky et l'Iran de Khamenei : l'humiliation en cours de route est la garantie d'un accord à la fin".

Ronan Bergman, commentateur israélien et du NEW York Times ( Yedioth Ahoronot) :

"La nécessité de la série d'assassinats de la semaine dernière est apparue pour la première fois en septembre dernier, parmi les hauts responsables de l'Unité 8200, la division de recherche de la Direction du renseignement, le Mossad et d'autres parties du système. Le déclencheur a été la défaite infligée par Tsahal au Hezbollah, suivie de l'attaque réussie contre l'Iran et de la destruction de son système de défense aérienne en octobre, suivie en décembre de l'effondrement du régime d'Assad à Damas et de la destruction de son système de défense aérienne par Tsahal. La séquence des événements a conduit de nombreux hauts responsables israéliens à croire qu'une opportunité sans précédent s'était présentée, une fenêtre de toute une vie, d'attaquer l'Iran... Et ainsi le forum sur la décapitation, qui décidait du sort des scientifiques à des milliers de kilomètres de là, s'est assis et a décidé qui serait classé au niveau A - la plus haute importance - et qui aux niveaux B, C ou D - le plus bas".

Vue d'Ensemble :

Apparemment, Trump a été convaincu par Netanyahou, Ron Dermer et le général Kurila de CENTOM (Politico rapporte que Kurila a contribué à persuader Trump que Tulsi Gabbard avait tort dans son évaluation selon laquelle l'Iran n'avait « pas de bombe«). Trump s'est rangé du côté des Israéliens, affirmant que l'Iran était « très proche » d'avoir une bombe, et a ajouté qu'il « se fichait de ce qu'elle [Gabbard] pensait«. Il a spéculé à haute voix - la veille du fatidique 13 juin - qu'une attaque israélienne (contre l'Iran) « pourrait accélérer [un] accord".

Il ne fait guère de doute que la « chute » soudaine et inattendue de la Syrie a galvanisé les néo-conservateurs à imaginer qu'ils pourraient rapidement répéter l'exercice en Iran. C'est pourquoi, aussi, l'accent est mis sur l'assassinat du Guide suprême. Lorsque l'Iran ne s'est pas effondré ; lorsque le système iranien a redémarré de manière inattendue et rapide ; et lorsque les frappes de représailles de l'Iran contre Israël ont commencé, le bloc pro-israélien a paniqué et a exercé une pression énorme sur Trump pour que les États-Unis entrent en guerre au nom d'Israël.

Cela laisse Trump face à un terrible dilemme-devoir choisir entre les sirènes, Scylla et Charybde - soit pour s'aliéner sa base de soutien MAGA (qui a voté pour lui précisément pour empêcher les États-Unis de se joindre à une autre guerre éternelle (provoquant ainsi probablement la perte du Parti républicain aux élections de mi-mandat)), ou pour s'aliéner ses donateurs juifs ultra-riches (comme Miriam Adelson, dont l'argent domine le Congrès, et dont les ressources sont exploitées par l'État profond pour poursuivre des intérêts mutuels avec les Premiers Israéliens), qui se retourneraient contre lui.

Tout cela évoque l'Irak et le rôle de Colin Powell...

Alastair Crooke

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

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