23/06/2025 legrandsoir.info  7min #282114

 Trump bombarde directement l'Iran, après avoir aidé Israël à déclencher la guerre. Téhéran promet des représailles

L'agression des États-Unis contre l'Iran - La traitrise

Djamel LABIDI

Si l'on y réfléchit, n'y aurait-il pas un marchandage qui s'annonce dans l'imagination fertile du président Trump ? Paix négociée en Iran contre paix négociée en Ukraine. Poser la question ainsi, c'est faire une anticipation bien hasardeuse. Certes. Mais elle mérite, au moins, d'être évoquée. Ceci dit, parlons d'abord de ce nième conflit militaire des Etats-Unis d'Amérique

22 Juin 2025- Les Etats-Unis ont attaqué l'Iran ; l'ont agressé, le mot est plus juste. Par traitrise, dans le plus pur style israélien. Les Etats-Unis n'arrêtent pas de dégrader leur image.

Le cynisme atteint des sommets : c'est Donald Trump, président des Etats-Unis d'Amérique, qui punit l'Iran de ne pas respecter un accord que lui-même avait annulé. L'Iran avait même continué de respecter cet accord longtemps après sa dénonciation par le président Trump, et elle était restée dans les limites d'une utilisation pacifique.de l'énergie nucléaire, d'après les dires de l'AIEA elle-même.

" Dieu protège Israël "

Après avoir agressé l'Iran, Trump menace de "l'anéantir " si elle riposte à l'attaque des EU. A-t-on vu arbitraire et mépris plus grands ? "Dieu, protège Israël", s'écrie-t-il ensuite dans un délire évangélique. Quel blasphème commis à la face du martyre du peuple de Gaza ! Mais aussi quelle ivresse de puissance. Il déclare, qu' "il n'y a pas d'autre armée au monde qui aurait pu faire cela." Ils se téléphonent avec son compère Netanyahou. Ils se congratulent. Ils s'auto-félicitent....mutuellement. La même mégalomanie, le même délire de puissance au-dessus des lois humaines.

Le cynisme est doublé de traitrise. La veille de l'attaque contre l'Iran, le président des Etats-Unis disait qu'il se donnait encore "deux semaines pour réfléchir". De la même façon, la veille de l'agression, tout autant traitresse, d'Israël du 13 juin, il avait fait croire aux dirigeants iraniens qu'il voulait négocier. Pauvres innocents qui croient encore en la parole des EU !

Chaque évènement historique a une particularité, un trait qui le caractérise, qui l'identifie dans la mémoire des hommes. Pearl Harbour, par exemple, dans la mémoire étasunienne est le symbole de la traitrise. Ici, pour l'agression des Etats-Unis contre l'Iran, ce sera probablement aussi la traitrise, mais dans la mémoire du monde. Ce qu'ont fait les Etats-Unis est indigne d'une grande nation. L'Europe, habituée pourtant à applaudir les Etats-Unis, s'est démarquée par rapport à cette agression. C'est dire à quel point, elle a choqué le monde entier. Lorsque le ministre iranien des affaires étrangères déclare à ce propos : "Les événements de ce matin sont scandaleux et auront des conséquences éternelles », les paroles ne sont pas excessives.

Un serial killer

Mais l'Europe n'est pas à une contradiction près. Les réserves formulées par rapport à l'agression, ne l'empêche pas, quant au fond, de l'approuver et de continuer à se donner le droit de régenter le monde. Le discours sur l'Iran, tant officiel qu'officieux médiatique, atteint des sommets d'indécence. Il porte atteinte à la logique la plus élémentaire. Il n'y a plus de limite à la déraison et à la recherche de raisons à l'agression.

C'est ainsi, par exemple, que le ministre des Affaires étrangères français, Jean Noel Barrot, dit le 21 juin que l'Iran a des missiles qui pourraient "atteindre une partie du territoire français". Et alors ? La France n'a-t-elle pas elle aussi des missiles ? Et les Etats-Unis et Israël et, et, et. Avoir des missiles, est-ce nécessairement les utiliser contre quelqu'un ? Derrière des propos d'une telle absurdité, pointe, en fait, un état d'esprit totalement suprémaciste, raciste : il n'y a que "les civilisés" qui ont droit à des armes. Pas les sauvages, les barbares, pas les indiens du monde, à la merci, sans cesse, comme aux premières heures des Etats-Unis, d'un génocide.

L'Occident clame en chœur, dans la même vision délirante, que la possession d'une arme nucléaire par l'Iran est une "menace existentielle", pour Israël, pour lui, pour le monde entier. Mais pas un mot du stock de 200 ogives nucléaires, c'est-à-dire bombes nucléaires plus missiles, qu'Israël a accumulé avec le concours, d'abord de la France, puis de l'Afrique du Sud de l'Apartheid, puis des Etats Unis ? Double standard, et preuve de l'apartheid qu'on cherche à maintenir sur le monde entre deux types de nations.

"Menaces", voilà encore un mot qui est un élément essentiel du lexique des maitres d'un Occident en crise intense de paranoïa, au fur et à mesure que son déclin s'annonce. "Menace de l'Iran", "menace de la Russie", "menace de la Chine", "menace de Hamas", "menace du Hizbollah", menace peu à peu du reste du monde. N'est-ce pas, en réalité, cet Occident-là qui menace tout le monde ?

Les pulsions mortelles qui sont libérées par l'agression contre l'Iran sont hallucinantes. On discute entre dirigeants européens et étasuniens, et sur les plateaux des médias, de l'assassinat d'Ali Khamenei, chef de l'Etat iranien, comme si on allait à une Garden party. Certains sont pour, d'autres sont contre, d'autres "pas pour le moment", comme l'a dit Trump. Des divergences pour des problèmes d'opportunité de moment ou d'efficacité. Un "monde de dingues". C'est un droit de vie ou de mort qui est proclamé sur les dirigeants comme sur les peuples non occidentaux. L'Occident est en récidive permanente. La liste des assassinats ciblés est longue. L'Occident est un serial killer.

Un air de déjà vu

L'agression contre l'Iran a un air de déjà-vu. C'est le nième conflit des Etats-Unis. On a presque l'impression que c'est toujours le même : missiles de croisière, avions de chasse, porte-avions, bombardements. Les mêmes images qui nous reviennent en mémoire : Irak, Libye, Syrie, Afghanistan et, avant eux, Yougoslavie, Vietnam. Il y a avait déjà eu, en Afghanistan, la même publicité faite à cette bombe monstrueuse, appelée par les EU "la mère des bombes" (MOAB : Massive Ordnance Air Blast, Explosion massive d'air de l'artillerie). Elle était supposée percer le sol et détruire les grottes profondes des Talibans. Quelques 20 années après, les États-Uniens fuyaient l'Afghanistan sans armes et bagages. Le peuple des EU s'était alors juré de ne plus recommencerde telles aventures. Trump le lui a promis. Et voilà qu'il recommence.

A la faveur de cette agression contre l'Iran, le langage des Etats-Unis, des Occidentaux en général, rappelle les moments de l'apogée du colonialisme, les pires moments, ceux où il n'avait pas besoin de prétexte pour envahir, tuer. La raison du plus fort est désormais assumée, sans état d'âme.

A quelqu'un qui avait parlé de respect du droit international, sur un plateau de télévision, il lui a été répondu dédaigneusement, qu'il n'existait plus, qu'il n'en était plus question dans le monde actuel et que c'était la force qui devait primer.

"Comme la Russie en Ukraine"

"Les Etats Unis ne font-ils pas simplement comme la Russie en Ukraine" ? On voit de plus en plus pointer cet argument. Il n'est pas encore totalement assumé mais il enfle.

Il faut y être attentif. Il permet une hypothèse qu'il faudrait formuler même si elle est hasardeuse, et qu'elle repose encore largement sur des spéculations. Trump, si l'on tient compte en outre de son esprit très marchand, ne serait-il pas en train de proposer à la Russie un tel marché ? Son recul en Ukraine, contre le recul des Etats-Unis sur l'Iran, une solution négociée avec l'Iran, contre une solution négociée avec les dirigeants ukrainiens. Hypothèse "complotiste", s'il en est, mais pas si gratuite que cela. Le président Poutine n'a-t-il pas proposé sa médiation sur le conflit des Etats Unis avec l'Iran.

Le calcul peut ne pas être fait encore de façon consciente par le président des Etats-Unis, mais il peut naitre et se développer, tant il apparait que les tensions actuelles dans le monde sont inextricablement liées. Les conflits en Ukraine et au Moyen Orient interagissent au moins par les immenses efforts militaires auxquels ils obligent pour tous les protagonistes.

Cette sorte de marché pourra apparaitre, implicitement ou explicitement. Mais ce qui est sûr, c'est que les situations de conflits ne sont pas comparables et interchangeables. Le pouvoir ukrainien ne peut agir et survivre sans l'aide massive, financière et militaire des Etats-Unis et des Occidentaux. C'est le cas aussi d'Israël. Tandis que l'Iran, lui, le peut. Il n'a pas besoin de la Russie pour combattre et résister. Il a la profondeur géographique, humaine, démographique que n'ont pas les protégés et proxys (mandataires) des Etats-Unis et de l'Occident, l'Ukraine comme Israël. L'Iran a surmonté la guerre que lui a faite l'Irak, à un moment bien plus difficile de son histoire, à la sortie de la dictature du Shah. C'est bien autre chose que tout ce que pourront lui faire subir, conjointement, Israël et les Etats-Unis.

Encore une fois, après toutes leurs aventures, les Etats unis s'engagent dans une autre impasse. Ils sont incorrigibles. Sur les plateaux occidentaux, leurs propagandistes affirment de nouveau que "cette fois-ci sera la bonne, et que ce n'est pas la même chose que l'Irak, la Libye, l'Afghanistan."
L'impérialisme est comme une drogue à laquelle les Etats Unis et l'Occident ne peuvent résister. Ils sont accrocs. Il faudra bien qu'ils se désintoxiquent.

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